
Science et Pseudo-Sciences n°328
Les articles de ce numéro à lire en ligne
Sommaire
EDITORIAL
Les « entrepreneurs de la peur » et la spirale de l’inquiétude
REGARDS SUR LA SCIENCE — Rubrique coordonnée par Kévin Moris
- Idéaliser le passé pour affronter le futur ?
- La protection des cultures par André Fougeroux
- C’était mieux avant… vraiment ? Extraits du site Science Pop
- Steven Pinker et le triomphe des Lumières par Franck Ramus
- Quelques critiques à l’ouvrage de Steven Pinker par Antoine Pitrou
- Le miroir de la prévision démographique par Hervé Le Bras
- Nourrir durablement dix milliards de personnes par Léon Guéguen
Réchauffement climatique : les fondements du consensus par François-Marie Bréon
Le climato-dénialisme n’est pas mort par François-Marie Bréon
La renaissance des dinosaures par Xabier Pereda-Suberbiola et Nathalie Bardet
- Histoire d’un désastre Note de lecture de Jean-Paul Krivine
- Extraits du livre
- Entretien avec Renaud Piarroux, auteur du livre
Les naissances d’enfants sans avant-bras par Catherine Hill
FOU FOU FOU
Et si les plantes n’étaient pas aussi sourdes que leurs pots ? par Brigitte Axelrad
SORNETTES SUR INTERNET
Biophotons : la conscience sans la science par Sébastien Point
SCIENCE ET CONSCIENCE
L’intégrité scientifique par Hervé Maisonneuve
ENTRETIEN AVEC…
Franck Ramus
LIVRES
Opposition à la vaccination : la comprendre pour la combattre ? par Aurélie Haroche
Notes de lecture
PODCASTS & VIDÉO
La Tronche en Biais par Thomas C. Durand
DIALOGUE AVEC NOS LECTEURS
LA VIE DE L’AFIS
EXCLUSIF
Le seul horoscope qui se base sur la science ! par Tinmar
L’édito
Les « entrepreneurs de la peur » et la spirale de l’inquiétude
Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie et fondateur de l’économie comportementale, décrivait en 2012 la « cascade de disponibilité » comme une spirale de l’inquiétude [1] :
« Une cascade de disponibilité est une chaîne autoentretenue d’événements, qui peut partir de réactions dans les médias à un événement relativement mineur et aboutir à une panique publique et à des actions à grande échelle du gouvernement. Dans certains cas, un article ou un reportage sur un risque attire l’attention d’une partie du public, dès lors inquiet et en éveil. Cette réaction émotionnelle suscite à son tour l’intérêt des médias qui renforcent sa couverture, ce qui accroît encore l’inquiétude et l’implication.
Ce cycle est parfois sciemment accéléré par des “entrepreneurs de la disponibilité”, des individus ou des organisations qui travaillent pour garantir un flux incessant d’informations angoissantes. Le danger est de plus en plus exagéré tandis que les médias entrent en concurrence pour en faire les gros titres. Les scientifiques ou les autres entités qui tentent de calmer la peur ou le dégoût grandissants n’attirent que peu d’attention, voire suscitent des réactions hostiles : quiconque prétend que le danger est exagéré est soupçonné de collusion avec un “complot monstrueux” ».
L’heuristique de disponibilité décrit notre propension à juger un sujet donné, non pas en rassemblant les données objectives existantes, mais à partir de la facilité que l’on a à retrouver dans notre mémoire des illustrations particulières. Ainsi, pour infléchir nos jugements, des « entrepreneurs de la peur » 1 saturent l’espace médiatique d’annonces et d’émissions fondées sur des informations partielles ou erronées et sur des témoignages chargés d’émotion. Ils exploitent des biais cognitifs bien connus : aversion au risque, grande sensibilité à toute information anxiogène, tendance à la surestimation des faibles probabilités, etc. Ce faisant, tout débat de fond se trouve étouffé car l’attention générale reste focalisée sur un risque, sans doute mineur, mais présenté comme majeur et imminent
On reconnaît ici un mécanisme à l’oeuvre de façon particulièrement frappante dans la controverse actuelle autour du glyphosate : médiatisation quasiquotidienne de réactions suite à des tests urinaires sans réelle valeur scientifique, reportages à charge, occultation des avis des agences sanitaires… Mais il s’applique également à des sujets tels que les effets des ondes électromagnétiques, la consommation d’OGM, la prise en charge de la maladie de Lyme ou le changement de formule du Lévothyrox. La vaccination a elle aussi fait l’objet de cette spirale de l’inquiétude (ainsi, le documentaire « Silence on vaccine » passait encore il y a quelques années sur une chaîne du service public [2]). Il est possible que la résurgence sous forme d’épidémies de maladies qui peuvent être prévenues par la vaccination, combinée aux messages des autorités sanitaires et à l’information scientifique, ait contribué à limiter la portée de ces campagnes.
Tout cela conduit, bien évidemment, à centrer l’attention sur une classe de problèmes en négligeant les actions vis-à-vis d’autres sujets dont le risque est pourtant plus important et la gravité bien mieux documentée.
1 | Kahneman D, Thinking, Fast and Slow, Penguin, 2012 (publié en français : Système 1 / Système 2, Les deux vitesses de la pensée, Flammarion, coll. Champs, 2016. Voir SPS n° 319, janvier 2017, p. 36).
2 | Brigitte Axelrad, « Silence, on vaccine… », SPS n° 289, janvier 2010.
1 Concept proposé par le sociologue Jocelyn Raude pour l’analyse des controverses médicales contemporaines, et inspiré des travaux d’Erving Goffman (1922-1982).

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