Accueil / En direct de l’ASP / Apprendre avec papa

Apprendre avec papa

Publié en ligne le 16 août 2006 -
par Isabelle Burgun

Un, deux, trois, hop ! Le père lance son bébé dans les airs 1 tandis qu’à l’autre bout de la pièce, la mère anxieuse ferme les yeux. « Les pères entretiennent une relation plus ludique avec leur enfant. Ils jouent à des jeux plus risqués et les poussent à maîtriser leurs frayeurs », affirme Guadalupe Puentes-Neuman.

Cette professeure au département d’études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’Université de Sherbrooke se spécialise dans le développement affectif et la relation parent-enfant. À la demande du Réseau de la Santé et des services sociaux, son équipe a créé des ateliers destinés aux pères seulement, Avec papa, c’est différent !

Malgré une récente ouverture, la majorité des programmes québécois sont axés sur la mère et son enfant. Les ateliers qui se destinent à outiller les parents, particulièrement ceux à faible revenu ou appartenant à une réalité dite « à risque » (toxicomanie, faible scolarité, chômage, etc.) ne visent généralement pas le père. Les intervenants (psycho-éducatrices, infirmières, travailleuses sociales) sont principalement des femmes. Ce sont elles également qui animent les ateliers bébés.

Dans un premier temps, l’équipe de recherche a organisé onze focus group avec 46 papas et 38 intervenants de trois régions : l’Estrie qui offre peu de services aux pères, la Montérégie qui a déjà eu de telles actions et Lanaudière, qui possède des groupes de pères. Ces rencontres préparatoires visaient à identifier les raisons qui démotivent les pères à participer à des ateliers parent-enfant, les activités qu’ils souhaitent voir au programme et le rôle qu’ils estiment être le leur. Les hommes se déclarent gênés d’être en minorité parmi des femmes, dont plusieurs allaitent, et ne désirent pas recevoir de « leçons » pour élever leur enfant. Les marionnettes et autres berceuses sont également décriées. Bref, ils trouvent ça « plate ».

Ils veulent avoir du plaisir, des activités plus risquées. Ils se demandent aussi comment s’insérer dans la relation mère-enfant. Ils ne voient pas leur rôle comme un support à la maman mais désirent une relation particulière avec l’enfant », rapporte Guadalupe Puentes-Neuman. Autrement dit, les pères se déclarent en faveur d’un service de loisirs plus que d’un programme d’aide.

La sortie du samedi matin

Depuis novembre, neuf papas d’enfants d’un à deux ans fréquentent le CLSC 2 des Maskoutains à St-Hyacinthe, treize celui de la Vallée des Forts à St-Jean-sur-Richelieu et six celui de Longueuil-Ouest, un samedi sur deux. D’ici juin, 15 ateliers axés sur le développement moteur et les jeux physiques seront offerts. Au programme : courses de panier à linge, glissades sur serviette de plage, fabrication - et destruction - de cabanes en boîtes de carton, peinture au sol, etc. Il y aura aussi des activités plus « classiques » comme reconnaître les cris des animaux. Avec la halte-garderie pour les enfants plus âgés, le transport et la flexibilité - le père n’a l’obligation d’assister qu’à dix des 15 ateliers - tout est mis en place pour séduire les papas.

« Dans les milieux plus défavorisés, l’engagement paternel est faible. Les couples brisent fréquemment et le père ne s’investit plus dans son rôle », explique Guadalupe Puentes-Neuman. En fait, la présence de ces pères dans la vie de l’enfant dépend de la relation qu’ils ont su établir avec lui mais évidemment de la bonne relation avec la mère. Les ateliers visent donc à valoriser le rôle de papa et à l’outiller pour qu’il puisse proposer des jeux. Cette activité comporte aussi des périodes de discussions thématiques : « les pères échangent beaucoup » rapporte la chercheuse.

Le volet recherche s’établit sur une base volontaire. Sur les 28 papas, 22 y participent à travers des questionnaires à remplir et l’enregistrement audiovisuel de diverses interactions avec leur enfant. Pour leur part, les animateurs des ateliers colligeront leurs impressions tout au long de l’année. Les chercheurs s’intéressent à la qualité de l’interaction père-enfant, de la discipline aux valeurs éducatives. « Nous pensons, selon la théorie développé par le Pr Daniel Paquette de l’IRDS, que le père stimule l’enfant, développe son côté actif et sa socialisation. L’auto-contrôle serait ainsi un apport du père », soutient Guadalupe Puentes-Neuman. Un auto-contrôle utile à l’enfant lorsque le père se livre à une séance de chatouilles particulièrement chatouillante ou lorsque la frustration le gagne en présence d’un jouet très attirant enfermé dans une boîte scellée.

1 Rappelons aux pères qui se livrent à un tel jeu que les services pédiatriques, médicaux et hospitaliers recommandent de ne jamais secouer, lancer, agiter un bébé ! Note de la Rédaction

2 Centre Local de Services Communautaires


Mots-clés : Psychologie


Partager cet article