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Code d’éthique : arme de dissuasion massive

Publié en ligne le 17 août 2005 -
par Danny Raymond

Un code d’éthique universel encadrant toutes les formes de recherches scientifiques est envisagé. À l’ère post-11 septembre, l’initiative survient alors que la crainte de voir des terroristes s’approprier les dernières percées scientifiques est bien présente.
Dans une lettre co-signée en mars dans la revue Nature, la professeure canadienne Margaret Sommerville, directrice du Centre pour la médecine, l’éthique et le droit à l’Université McGill, souhaite rendre les recherches et retombées scientifiques imputables aux grands principes éthiques suivants :
 Ne pas nuire à autrui
 Travailler au bien commun
 Respecter toutes formes de vie, surtout la vie humaine
 Encourager la confiance mutuelle
 Intégrer les règles éthiques dans la pratique scientifique
 Instaurer une approche éthique dans les institutions
 Reconnaître les responsabilités individuelles et collectives
 Assurer une surveillance et un contrôle continus du non-respect des règles éthiques par la formation et le partage des valeurs éthiques au sein de la communauté.

Les événements du 11 septembre ont fait s’intensifier les débats sur la nécessité pour la communauté scientifique d’adopter un code de conduite. À preuve, le Conseil américain sur la biosécurité a reçu le mandat d’édicter un code similaire pour les organisations et institutions professionnelles.

L’initiative des auteurs recueille déjà plusieurs appuis : l’Assemblée générale de l’Association médicale mondiale, l’Association médicale britannique, le Conseil de recherche national des États-Unis et le Parlement britannique. Les auteurs de l’article se montrent optimistes. "En philosophie des sciences, dès que subsiste un petit noyau favorisant la conscience éthique, les probabilités que s’affirment des comportements éthiques sont grandes."

Mais il y aussi les détracteurs. Ces derniers craignent surtout de voir ce code handicaper lourdement la science, en plus de leur causer des pertes personnelles ou financières importantes.

Les auteurs ne sont pas utopistes ; une telle approche ne mettra pas fin aux violations éthiques comme par magie. Des règles s’appliquaient déjà quand des médecins continuaient délibérément à développer des armes biologiques pour la secte japonaise Aum Shinrikyo. Et l’ancien responsable du programme d’armements biologiques russe, Ken Alibek, n’a jamais été gêné de continuer ses travaux, même après que la Russie eut paraphé la Convention sur les armes biologiques.

Pour montrer comment pourrait s’appliquer concrètement un code d’éthique, l’article cite le cas de Thomas Butler, chercheur à l’Université Texas Tech, et ancien directeur du Centre des maladies infectieuses. En 2003, il a été reconnu coupable d’avoir transporté illégalement des échantillons de peste de Tanzanie et d’avoir du même coup violé son contrat de recherche avec l’université. Dans ses premières déclarations aux autorités universitaires, M. Butler avait raconté avoir perdu la trace de 30 ampoules de cultures de Yersinia pestis... pour déclarer plus tard les avoir détruites.

Pour les auteurs, cet exemple envoie un signal clair aux chercheurs, particulièrement ceux de la communauté scientifique et universitaire. Avant même d’amorcer les recherches, une conscience s’appuyant sur des considérations légales et éthiques doit être développée. Ce pacte, concluent-ils, constitue la base même sur laquelle se construit la confiance entre la communauté scientifique et le public. Confiance tout aussi fondamentale que la recherche elle-même.


Mots-clés : Éthique


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