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Courrier des lecteurs : juillet à septembre 2013

Publié en ligne le 15 janvier 2014 - Rationalisme -

SPS Junior ?

J’ai lu avec un grand intérêt le numéro 304 de Science et pseudosciences (je ne pensais pas trouver cette revue au Monoprix !). Ferez-vous une revue ou un livre du même genre pour les enfants et les adolescents ? Personnellement, je trouve que votre ouvrage est plutôt réservé à une élite : le contenu est inaccessible pour les jeunes à moins d’avoir un membre de la famille proche qui fasse le lien. Vous insistez sur l’importance de la méthode scientifique : dans cette éventuelle revue pour les jeunes, il faudrait l’expliquer clairement et simplement, avec des schémas, en donnant des exemples concrets en sciences, des expériences réalisables par les enfants. Ce peut être aussi des exemples dans d’autres domaines (histoire, philosophie, vie courante...) car en définitive, tout est lié ! La méthode scientifique n’est pas réservée à la Science, c’est une philosophie (je vais peut-être un peu loin mais...) ! Il faudrait des fiches pour chaque thème posant problème (nucléaire, wifi, OGM...) sur lesquelles les lecteurs pourraient s’appuyer pour comprendre ce qu’ils entendent ou ce qu’ils voient. La simplification, la vulgarisation n’est pas un mal tant qu’elle reste objective et honnête : il faut des faits sans interprétations mais des faits accompagnés d’explications et d’hypothèses. Mieux encore : l’AFIS devrait être un porte-parole, un intermédiaire entre vos lecteurs et les médias. Bonne continuation !

L’idée d’une version de notre revue à destination d’un jeune public est excellente ! Toute entreprise à visée pédagogique, et c’est une de nos ambitions, se devrait de commencer le plus tôt possible. Le principe de réalité m’oblige à vous répondre que notre équipe de bénévoles fait déjà son maximum, et qu’il nous sera bien difficile de mettre en œuvre un tel projet dans l’immédiat... Et c’est aussi pour cette raison que les articles que nous publions n’ont pas toujours la facilité d’accès que nous souhaiterions. Mais grâce à vous, l’idée est ainsi lancée et – pourquoi pas – un lecteur disponible se présentera-t-il ? En attendant, je me permets de souligner que certains numéros 1 peuvent faire office de « fiche » ou de résumé sur un thème précis. Pour le reste, vous avez raison, c’est bien une philosophie générale qui nous anime, et qui peut servir dans bien des domaines : prendre toute information avec la plus grande circonspection, et la vérifier aux sources les plus fiables possibles.

M.B

SPS, nid de scientistes ?

Je suis tout nouveau lecteur de votre revue, évidemment très intéressante et instructive ; d’autant que j’avoue mon esprit plus littéraire que scientifique. [...]. Ce qui me gêne, c’est le scientisme qui transparaît à chaque page, le point de vue partisan du fan de science. [...] Nous voici, paraît-il, en postmodernisme aussi pour la raison que le citoyen d’aujourd’hui, pas forcément stupide pour cela, connaît les bienfaits et les méfaits de la science et de la technologie (souvent confondus), le revers de la médaille, inconnu au siècle des Lumières, les scientifiques et ingénieurs étant autant incapables d’inventer de quoi tuer l’homme que de quoi le sauver. Ils ne sont pas insensibles aux mensonges qui font gagner du fric, autre vérité de nos jours connue de tous. Et pour beaucoup, quelque part, la science, c’est aussi ce qui a légitimé la technocratie et ces intellectuels nouveau genre, devenus politiciens, avec leurs théories économiques pseudo-scientifiques aux résultats que l’on voit...

Le bonheur par la science et la technique a du plomb dans l’aile, peut-être exagérément, dangereusement, injustement, je veux bien le croire, mais le dogme scientiste en vaut un autre, mérite l’examen critique. L’information n’est pas la « réclame » de la science et des scientifiques. Elle veut le côté émancipateur et l’énoncé des risques. Pourquoi pas, les objections éthiques ? Revue intéressante, mais de parti-pris « positif » évident, pour moi un peu gênant... Ce n’est que mon ressenti.

C.P

Commençons par quelques précisions : vous écrivez vous-même « ...science et technologie, souvent confondues ». Et effectivement, le mot science recouvre tellement de sens possibles qu’il est toujours délicat d’accuser « la science ». Parle-t-on de la recherche, des applications de la science, de la méthode scientifique ? Les « méfaits » de la science n’ont-ils pas bien souvent, plutôt, d’autres causes (malveillance, dysfonctionnements divers, rôle du profit, technologies à maîtriser correctement, etc.) ? Cela dit, en acceptant, pour le plaisir de la discussion, d’appeler « dangers de la science » une large palette de problèmes actuels posés par les activités humaines, exploitant les possibilités de la science ou de la technologie, notre démarche n’est pas de nier ou minimiser ces dangers, mais de les pointer au bon endroit, et également d’en évaluer la signification et la portée, au regard aussi des bienfaits attendus.

Ce qui nous fait réagir n’est pas seulement que l’on accuse la science, c’est qu’on l’accuse de travers. Par exemple, il nous paraît consternant de constater la réticence grandissante envers la vaccination (et la recrudescence concomitante des maladies), alors qu’elle n’est basée que sur des rumeurs déjà démenties pour la plupart. Ces rumeurs ayant pris le devant de la scène médiatique, les avantages de la vaccination eux-mêmes en sont devenus invisibles aux yeux du public, effrayé par les diaboliques « adjuvants » ! Ou de se focaliser sur les dangers non démontrés des ondes wifi alors que personne ne s’inquiète des cabines à bronzer, dont le danger cancérigène est avéré. Ou encore que le bio, qui n’est pas sans risque 2, soit paré de toutes les vertus (supposées !) du naturel, alors que les OGM, dont la dangerosité de ceux proposés à la commercialisation n’a jamais été établie, soient systématiquement accusés. Bref, les dangers et les méfaits de la science nous préoccupent comme tout un chacun, mais nous aimerions juste qu’ils soient identifiés et dénoncés correctement. C’est d’ailleurs tout le sens du présent numéro. De plus, qui se soucie des « dangers du rejet de la science » ? Ce rejet peut pourtant avoir des conséquences graves (baisse de la vaccination, donc, ou l’exemple du sida en Afrique du Sud, avec les positions antiscientifiques de Thabo Mbeki il y a quelques années, entre tant d’autres exemples) ou nous priver de bienfaits négligés.

L’examen critique est certes le moyen d’éviter l’erreur ou le dogme (que nous fuyons comme vous) mais je crois bien que le scientisme au sens où il est généralement compris (considérer que la science pourra résoudre tous les problèmes de l’humanité), n’est plus aujourd’hui défendu par personne. Mais là où post-modernisme il y a, c’est dans la défiance actuelle contre la démarche scientifique elle-même ! De notre côté, nous la défendons simplement contre ce que vous avez appelé à juste titre des attaques « exagérées, dangereuses et injustes ».

M.B

1 Soit les « hors-séries » sur l’astrologie, les OGM ou la psychanalyse, soit certains numéros-dossiers (11 septembre, nucléaire...)

2 Voir « Les légumes de la peur »