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Covid-19 : l’Afis condamne les graves dérapages du Pr Perronne relayés par plusieurs grands médias

Publié en ligne le 22 juin 2020 - Médecine -
Communiqué de presse, 22 juin 2020


Sur le terrain scientifique, l’hydroxychloroquine n’a pas réussi à faire la preuve de son efficacité dans le traitement de la Covid-19. Les principales agences de santé au niveau national et international constatent que les essais rigoureux s’accumulent sans montrer d’efficacité (Académies de médecine, de pharmacie et des sciences en France [1], Food And Drug Administration aux États-Unis [2], Organisation mondiale de la santé [3], etc.) et des recommandations sont émises pour cesser d’y avoir recours dans la lutte contre la Covid-19.

Les promoteurs de ce traitement, notamment le professeur Didier Raoult, ont choisi depuis le début de privilégier la voie médiatique et l’appel à l’opinion publique au détriment de la preuve scientifique rigoureuse. Une étape supplémentaire vient d’être franchie par l’un de ses plus farouches partisans, le Pr Christian Perronne, chef de service à l’hôpital de Garches. Sur les stations des radios, les plateaux de télévision et les journaux où il est invité à faire la promotion de son ouvrage sur la pandémie, il affirme qu’« on a eu près de 30 000 morts en France, si on avait utilisé la chloroquine pour tous, peut-être 25 000 morts auraient été évités » (BFM TV, 15 juin 2020) et accuse ses collègues du CHU de Nantes d’avoir « laissé crever [son] beau-frère » atteint de la Covid-19 et de ne « pas l’avoir soigné » en refusant de lui administrer de l’hydroxychloroquine (CNews, 18 juin 2020). Il dénonce aussi les sociétés savantes « complètement corrompues », responsables selon lui d’avoir « plongé des dizaines de milliers de Français dans la mort » et, d’une façon générale, pour lui, « ceux qui critiquent le protocole Raoult malgré les preuves [sic] sont achetés par les labos » (Sud Radio, 16 juin 2020).

Réagissant à ces propos, une pétition en ligne initiée par des médecins [3] rappelle que ces déclarations contreviennent au code de déontologie médicale qui stipule que « les médecins ne peuvent proposer […] un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé » (article 39), que « lorsque le médecin participe à une action d’information du public […] il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public » (article 13).

Mais au-delà, les procédés utilisés par le Pr Perronne sont délétères : appel à l’opinion publique pour imposer la prescription d’un traitement potentiellement dangereux et à l’efficacité non démontrée, recours à des arguments infondés prétendument scientifiques, accusations de corruption et remise en cause de l’intégrité de ceux qui ne partagent pas son opinion et se réfèrent à une médecine fondée sur les preuves. Le public se trouve ainsi mis en position d’arbitre d’une controverse scientifique sans en avoir les compétences. Pris à témoin d’accusations graves, chacun se prononce naturellement en s’appuyant sur des considérations qui lui sont plus accessibles : la sympathie ou l’antipathie pour le personnage qui accuse et pour ses soutiens, les arguments qu’il juge « de bon sens » (souvent ceux qui épousent ses a priori) ou le degré de confiance qu’il veut bien accorder aux autorités publiques.

Dans une situation sanitaire grave et angoissante, le Pr Perronne utilise en réalité les mêmes arguments que les groupes militants qui, régulièrement, remettent en cause les résultats scientifiques qui contredisent leurs opinions ou leurs intérêts en prétendant que les scientifiques, les sociétés savantes, les autorités sanitaires seraient corrompus ou manipulés. C’est ce qu’il avait déjà mis en œuvre pour convaincre du recours à des traitements jamais validés et potentiellement dangereux dans la prétendue « maladie de Lyme chronique » [4].
Ces accusations non étayées jettent le discrédit sur la science et les scientifiques pour de nombreux citoyens ébranlés par de telles « révélations » et n’ayant pas à leur disposition les éléments nécessaires pour faire la part des choses.
À ce titre, l’Afis souligne la lourde responsabilité des médias qui ont relayé les propos du Pr Perronne sans aucun recul et qui, ce faisant, ont failli à leur devoir fondamental d’information, notamment scientifique, omettant d’expliquer comment se construit la connaissance scientifique.

L’Afis condamne avec la plus grande vigueur ces propos et ces pratiques qui bafouent le travail des soignants et des chercheurs et mettent en danger les fondements de la médecine moderne.

Conseil d’administration de l’Afis, 22 juin 2020
Références

1 | « Essais cliniques au cours de la pandémie Covid-19 : Cibles thérapeutiques, exigences méthodologiques, impératifs éthiques », Avis tri-académique (Académie nationale de médecine, Académie nationale de pharmacie, Académie des sciences), 29 mai 2020.
2 | Food and Drug Administration, « Hydroxychloroquine or Chloroquine for COVID-19 : Drug Safety Communication – FDA Cautions Against Use Outside of the Hospital Setting or a Clinical Trial Due to Risk of Heart Rhythm Problems », 24 avril 2020.
3 | « Propos inacceptables du Professeur Perronne : l’ordre des médecins doit réagir ». Pétition sur Change.org
4 | « Les “Lyme doctors” » : un risque pour les patients », SPS 322, Octobre 2017. Sur www.afis.org