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Dialogue avec nos lecteurs : avril à juin 2019

Publié en ligne le 21 octobre 2019 - Pseudo-sciences -

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Les risques de biais des agences sanitaires

Médecin généraliste retraité depuis 10 ans, j’ai lu avec intérêt l’article « Qualité de la preuve en médecine » paru dans le numéro 326 (octobre 2018). Une réflexion perplexe cependant : si le niveau de preuve d’une méta-analyse est certainement très haut, comment contrôler la valeur scientifique de la synthèse elle-même, et qui s’assure de la qualité et de l’honnêteté du ou des rédacteurs de celle-ci ? Comment éliminer les risques de biais, d’erreurs ou de corruption dans les agences sanitaires auxquels vous faites allusion ? L’OMS, les agences nationales diverses, les groupements d’experts reconnus ne sont pas à l’abri des désinformations et des pressions de lobbys commerciaux, politiques ou d’associations écologiques ou citoyennes.

B. R.

SPS. Votre question est importante. Nous indiquions dans notre article que les méta-analyses doivent être elles-mêmes examinées par des personnes compétentes, et l’actualité récente nous rappelle que des méta-analyses peuvent aussi être biaisées. Il n’y a pas de solution ultime. Les agences sanitaires ont pour mission d’examiner l’ensemble de la littérature scientifique pour statuer sur l’état des connaissances. Mais qui examine la qualité des avis des agences ? Qui vérifie les risques de biais, d’erreurs, de corruption ? L’emboîtement des poupées russes pourrait être sans fin. Avançons cependant quelques pistes. Ce dernier niveau d’analyse doit relever d’une mission de service public. Et cette mission doit se faire dans la plus grande transparence (les experts impliqués, les données utilisées, etc.). Mais, in fine, c’est sans doute aux instances élues d’exercer un contrôle sur la manière dont les agences d’expertise opèrent. On peut se dire aussi que, sur un sujet donné, quand il y a convergence de la quasi-totalité des agences, alors il y a probablement un consensus fondé sur un état réel de la connaissance. Bien entendu, aucune méthode n’est infaillible, mais celle-ci constitue la meilleure boussole disponible. Quelle autre solution imaginer ? L’appel à une sorte d’ « expertise citoyenne » serait une véritable régression car elle privilégierait l’opinion et l’idéologie à la véritable compétence et à l’expertise (voir à ce sujet notre dossier sur les études du CRIIGEN et de Gilles-Éric Séralini dans le numéro 327 de SPS).

J.-P. K.


La luminothérapie ?

Je souhaiterais connaître ce que vous pensez de la luminothérapie.

M. E.

SPS. La rétine humaine abrite, en plus des photorécepteurs, des cellules sensibles non-visuelles, dites cellules à mélanopsine, qui projettent leurs fibres nerveuses vers le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus, dans le cerveau. Le noyau suprachiasmatique, entre autres choses, commande la glande pinéale, responsable de la régulation de la sécrétion de mélatonine et, par ce biais, règle notre horloge biologique. L’exposition à la lumière influe donc, par la voie hypothalamique, sur de nombreux processus hormonaux. Cette observation est à la base de la luminothérapie, qui a donc un réel fondement scientifique. Elle peut faire partie de l’arsenal du psychologue clinicien ou du psychiatre pour traiter les dépressions saisonnières que l’on soupçonne d’être fortement liées aux dérèglements de l’horloge biologique dus à la baisse de quantité de lumière en hiver. Le décalage horaire du voyageur peut également être traité par une exposition à la lumière pour « rééduquer » le noyau suprachiasmatique et recaler le rythme jour-nuit. Mais attention, la luminothérapie ne doit pas être confondue avec la chromothérapie, une pseudo-science qui n’a aucun fondement scientifique, et que nous avions traitée dans le numéro 312 de SPS [1].

S. P.

Références

1 « Chromothérapie : toutes les couleurs de la fausse science », SPS n° 312, avril 2015.


Homéopathie et dépendance médicamenteuse

Je lis souvent, avec intérêt, votre revue. En tant que médecin, le sujet « homéopathie » m’intéresse particulièrement. Un risque probable à mon avis (arguments factuels malheureusement insuffisants actuellement) est celui de contribuer à créer une dépendance « médicamenteuse » au sens large, c’est-à-dire une dépendance à un produit extérieur à la personne.

La confirmation de la réalité de ce risque serait de grande importance au niveau de la santé publique en France. C’est, pour moi, un argument supplémentaire, important pour le déremboursement des produits homéopathiques. Il serait regrettable que cet aspect ne soit pas versé à la réflexion du comité HAS chargé par la ministre de lui remettre un rapport début 2019.

P. C.


Événements extrêmes et réchauffement climatique

J’entends au quotidien des gens répéter que les mois exceptionnellement chauds ou froids sont les premières conséquences visibles du réchauffement climatique. Sans paraître remettre en cause le réchauffement climatique, il devient très difficile de s’interroger sur cette conclusion qui me paraît un petit peu hâtive, et je n’ai pas pu trouver d’article bien argumenté sur Internet sur le sujet (je veux dire du type de ceux publiés dans SPS).

A.

SPS. L’interprétation des événements météorologiques rares voire extrêmes pour y voir – ou non – un signe du changement climatique occupe de nombreux chercheurs. Cette approche, dont le terme technique est « détection et attribution », fait l’objet d’un chapitre entier dans le dernier rapport du GIEC [01]. De manière générale, on ne peut jamais dire qu’un événement unique est lié au changement climatique. À l’aide de multiples simulations du climat, on pourra éventuellement dire que la probabilité qu’un tel événement se produise a augmenté avec le changement climatique lié aux activités humaines. C’est clairement le cas des périodes de canicule, dont la fréquence augmente avec le réchauffement, comme le fait également la probabilité d’épisodes de précipitations intenses. On trouvera en [02] plusieurs exemples d’événements météorologiques récents qui ont été analysés par les chercheurs pour y trouver – ou non – une signature du changement climatique en cours.

F.-M. Bréon


Références

01 Bindoff NL (coord.), “Detection and Attribution of Climate Change : from Global to Regional”, in Climate Change 2013 : The Physical Science Basis, Chapitre 10, 5e rapport du GIEC. Disponible sur ipcc.ch

02 convention-services-climatiques.lsce.ipsl.fr/extremoscope


Thème : Pseudo-sciences

Mots-clés : Climat - Homéopathie

Publié dans le n° 328 de la revue


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L' auteur

Sébastien Point

Docteur en physique, ingénieur en optique et licencié en psychologie clinique et psychopathologie. Responsable de (...)

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