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Faudra-t-il supprimer la moitié des vaches françaises ?

Publié en ligne le 27 janvier 2015 - Agriculture -
Billet publié dans la Lettre de l’Académie d’Agriculture de France, n° 23, avril 2014.

Un imposant rapport intitulé « Afterres2050 » ou « Un scénario soutenable pour l’agriculture et l’utilisation des terres en France à l’horizon 2050 » a été publié en 2014 par l’entreprise associative Solagro (dont les modélisations sont souvent utilisées par l’ADEME – Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie). Il s’agit d’un scénario de transition agricole et alimentaire, basé sur des hypothèses hardies de modifications radicales de notre comportement alimentaire.

Ainsi, un court chapitre est intitulé « Réduire la consommation de calcium apporté par les produits laitiers ». Citant et se basant sur une seule référence, celle d’un livre très médiatisé d’un journaliste scientifique détracteur notoire du lait, le rapporteur décrète que les apports

nutritionnels conseillés en calcium par les spécialistes scientifiques et organismes officiels (dont les publications sont occultées) sont largement surestimés. En conséquence, comme le principal atout nutritionnel proclamé du lait et des produits laitiers est leur apport calcique, il serait possible (et souhaitable !) de limiter l’apport de calcium par les produits laitiers à 200 mg par jour au lieu des 400 à 600 mg actuellement recommandés. Cet argument-choc est le seul utilisé pour prédire un changement radical de notre mode d’alimentation et, en conséquence, pour pronostiquer (et prôner !) une division par deux de la production laitière en France. Non seulement le raisonnement scientifique qui soutient ce scénario est erroné (les besoins en calcium font l’objet d’un bon consensus international et les apports conseillés ne seront pas fortement diminués), mais seule l’autosuffisance nationale est prise en considération, faisant fi des exportations et donc de la balance commerciale, sans compter les répercussions d’une telle réduction irréaliste de l’élevage des herbivores...

Cette partie du rapport révèle une nette orientation vers le végétalisme strict, évolution nutritionnellement non souhaitable et difficilement envisageable si l’on considère les fortes tendances irréversibles observées dans tous les pays émergents.

Ce pronostic d’une réduction de moitié de l’élevage bovin est conforté par des arguments écologiques (gaz à effet de serre, déforestation pour le soja...) et de sécurité alimentaire (concurrence animal-homme, surfaces libérées pour la production de céréales...). Avec des arguments de même nature écologique et humanitaire, il est paradoxalement prédit que 45 % de la surface agricole utile serait en agriculture biologique en France en 2050, alors que le rendement des céréales bio est en moyenne diminué de 50 % ! Sachant que près de la moitié de notre production de blé est exportée (et permet de nourrir quelque 50 millions de personnes), devra-t-on y renoncer... et peut-être envisager des importations ?

Et voilà comment une simple remise en cause sur des bases scientifiques infondées des besoins physiologiques en un seul nutriment minéral, le calcium, peut avoir des conséquences en cascade considérables : modification radicale du comportement alimentaire, augmentation de l’incidence de l’ostéoporose et du risque de fractures osseuses... et remplacement des prairies cultivables par des champs de blé (bio).

La question de l’influence des sciences de la nutrition sur le futur de l’alimentation humaine et sur l’avenir de l’agriculture a fait l’objet d’une mise au point accessible sur le site de l’Académie dans la rubrique « Groupes de réflexion » et groupe « Potentiels de la science pour l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement ».