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Idées fausses, vraies réponses

Publié en ligne le 21 novembre 2007
Idées fausses, vraies réponses
"C’est trop tard pour la Terre"

Cécile Philippe
J.-C. Lattès, 2007, 176 p., 10 €

« Il faut appliquer le principe de précaution !  », « Il faut interdire les OGM !  », « L’homme est coupable du réchauffement climatique ! », … c’est tout juste si la planète n’est pas perdue pour nos enfants… Cécile Philippe, avec son essai C’est trop tard pour la planète, s’inscrit en faux contre ces idées reçues de la « pensée unique » et nous délivre un message rafraîchissant.

Journaliste, Cécile Philippe est une jeune économiste de 32 ans. Elle dirige l’Institut économique Molinari (Bruxelles) et siège au Conseil d’administration de l’Institut Constant de Rebecque (Lausanne). Utilisant un langage « clair, simple mais jamais simpliste », comme s’y engage le manifeste « Idées fausses, vraies réponses » dont elle est signataire, faisant le pari, avec Keynes, « qu’une idée bien exprimée, qu’elle soit vraie ou fausse, pouvait changer le cours de l’histoire », Cécile Philippe aborde sans détour ces sujets qui fâchent sans sombrer à aucun moment dans la polémique.

Comme usuellement l’éditeur se laisse emporter par l’emphase dans la 4e de couverture en annonçant que « pour la première fois, un livre clair et concret permet de démêler le vrai du faux dans la multitude de propositions qui circulent »… Les lecteurs de Science et pseudo-sciences sont bien placés pour savoir que ce « pour la première fois » est de trop puisque nous avons déjà signalé de tels ouvrages, à commencer par l’incontournable The march of unreason de Dick Taverne déjà commenté par Yann Kindo puis par Jean Günther, mais il n’empêche que l’essai de Cécile Philippe, d’ambition plus modeste, mérite d’être remarqué à plusieurs titres.

Tout d’abord, comme déjà pointé, Cécile Philippe pratique l’exercice difficile de la dénonciation non polémique des idées jugées, à juste titre selon la plupart d’entre nous, dangereuses. C’est ainsi notamment qu’elle pointe le caractère conservateur si ce n’est réactionnaire de la version mise en pratique du principe de précaution (Chapitre 1) ou qu’elle remet les pendules à l’heure de façon synthétique sur le dossier toujours brûlant des OGM (Chapitre 2). Je signalerai tout particulièrement une bien stimulante comparaison que je n’avais encore jamais lue avec les inquiétudes qu’a suscitées l’introduction de la pomme de terre dans la France du XVIIIe siècle (p. 45-47).

Ensuite elle use d’une langue claire et limpide. Et enfin, last but not least, Cécile Philippe, comme toute économiste qui se respecte, référence de façon précise tous les emprunts et citations qu’elle mobilise dans son argumentation. Cela peut sembler élémentaire, et cela devrait l’être, mais force est de constater pour celles et ceux qui partagent avec nous la prudente habitude de vérifier et recouper leurs sources, que dans la multitude des ouvrages apologétiques ou critiques de l’écologie politique, l’imprécision et l’approximation, y compris par des auteurs autrement plus célèbres, sont malheureusement la règle.

Il est néanmoins un étonnement qu’il est difficile de cacher, surtout au terme de trois chapitres balayant les idées dominantes sur la fin du pétrole (Chapitre 3), la composante anthropique du réchauffement climatique (Chapitre 4) ou les gaz à effet de serre (Chapitre 5) : l’auteure réalise le difficile exploit de ne jamais évoquer ne serait-ce que l’existence d’une filière énergétique électronucléaire. C’est ainsi que nous devrons nous contenter de lire que « de la même façon que le charbon a succédé au bois et le pétrole au charbon, il est possible qu’une nouvelle énergie remplace le pétrole si elle présente des avantages supérieurs » (P. 65). Ce choix éditorial non assumé puisque non explicite signe une stratégie d’évitement qui me paraît la seule mais notable faiblesse réelle de ce livre.

D’aucuns ne manqueront pas, par ailleurs, de faire remarquer, en le regrettant, que, comme Dick Taverne, Cécile Philippe ne souscrit pas à l’autre critique politiquement correcte suivant laquelle le système capitaliste et la recherche du profit conduiraient « inexorablement à la destruction de l’environnement » (Chapitre 6) et qu’elle défend a contrario une posture libérale assumée, faisant du respect des droits de propriété et de la responsabilité individuelle qui en résulte la pierre angulaire des politiques publiques auxquelles elle souscrit. C’est ainsi que de façon logique Cécile Philippe conclut (Chapitre 7) : « Il y a de bonnes raisons de penser que les échanges non entravés et encadrés par la responsabilité individuelle sont certainement la meilleure façon de créer une société riche et prospère au sein de laquelle la qualité de l’environnement pourra continuer à s’améliorer. La surenchère de scénarios catastrophes et les solutions généralement défendues pour y répondre pourraient aussi conduire à l’appauvrissement de tous et à des conditions de vies inférieures pour les générations futures » (p. 150).

Certains, bien entendu, développeront de « bonnes raisons » de tirer des conclusions politiques un peu différentes, voire franchement contraires, mais telle est la richesse du débat démocratique. Nous ne pouvons que nous féliciter que les formations politiques se préoccupent de l’impact de l’avancement des sciences et des techniques sur la société et réfléchissent aux moyens de mobiliser ces connaissances scientifiques et maîtrises technologiques croissantes au bénéfice de l’amélioration de nos conditions d’existence. Nous ne pouvons que nous féliciter que d’aucuns, à l’image de Dick Taverne ou de Cécile Philippe, mais à l’image aussi de Claude Allègre – pour évoquer un autre ouvrage récent témoignant d’une sensibilité politique différente –, entendent aborder ces questions politiques essentielles en instruisant sur la base des faits, et non sur la base de mythes ou de fantasmes.