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Je chemine avec… Hubert Reeves

Publié en ligne le 6 avril 2020
Je chemine avec… Hubert Reeves

Entretiens menés par Sophie Lhuillier
Éditions du Seuil, 2019, 115 pages, 12 €

Comment présenter Hubert Reeves, astrophysicien à l’écriture si singulière, perle rare au sein de la vulgarisation scientifique… Écrire sur la science est un exercice ô combien périlleux, et les scientifiques sachant captiver les lecteurs ne sont pas si nombreux ! H. Reeves continue de faire vibrer des générations de passionnés par son écriture empreinte d’une poésie qui semble couler de source. Sa plume, toujours limpide sans être simplificatrice, permet de se familiariser avec des théories parfois très complexes d’une façon qui paraît naturelle. « L’astrophysique est la discipline idéale pour [se cultiver] parce que les étoiles inspirent le rêve autant que la rationalité. »

Ce dialogue à cœur ouvert avec Sophie Lhuillier, éditrice, qui pose de judicieuses questions, est vivant et agréable à lire. H. Reeves réussit à nous faire partager des moments de sa vie ou de sa carrière, intimes ou fondateurs, avec simplicité. Il se livre sans détours, ne cachant pas les rudesses de son enfance, avec un père très brutal, ou nous faisant revivre des joies qui résonnent encore en lui : une grand-mère conteuse envoûtante, l’omniprésence de la musique classique, ou de merveilleuses balades en forêt.

Il évoque ses fragilités, ses périodes de doutes et de crises, son goût profond pour l’enseignement qui a nourri son activité de chercheur. C’est la passion de la connaissance, apprendre et apprendre aux autres, qui n’a cessé de le guider telle une boussole. Pendant trente ans, il alterne ses cours entre le Canada et l’Europe, et, après une carrière d’astrophysicien dédiée à la nucléosynthèse primordiale, la passion d’écrire s’empare de lui à la cinquantaine. Tout en restant modeste et mesuré, il évoque sa facilité à transmettre et à communiquer avec les autres et c’est ce qui donnera une dimension particulière, un nouveau sens à sa vie. Grâce à sa notoriété, il a le privilège de défendre les causes qui lui tiennent à cœur, comme la préservation de la nature. Conscient du poids de sa parole, c’est au nom de cette sauvegarde qu’il argumente pour la réduction de l’industrie du nucléaire 1 : « Les progrès ne sont pas une raison pour supporter ce qui nous menace. » Au sein du pessimisme et du catastrophisme ambiant, son élan et son optimiste combatif sont rafraîchissants. Une certaine candeur, assumée, ne le protège pas toujours et il se retrouve, parfois malgré lui, cerné par les pseudo-sciences. Il constate que son discours est parfois instrumentalisé par des personnes ou des courants de pensée aux intentions plus douteuses et cherche à s’en préserver, par toujours plus de science et d’informations. Ce témoignage émouvant, souvent surprenant, ravira plus d’un lecteur.

1 Hubert Reeves, physicien nucléaire et élève d’Hans Bethe, était pro-nucléaire dans les années 70, comme la majorité des scientifiques. Son évolution sur ce sujet est développée dans ces entretiens.