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L’émission Envoyé spécial sur le glyphosate

Publié en ligne le 25 janvier 2019 -
Communiqué de presse de l’Afis - Paris, le 25 janvier 2019 - Contact 07 82 62 69 82

Le magazine Envoyé spécial présenté par Élise Lucet et diffusé le 17 janvier 2019 sur France 2 était entièrement dédié au glyphosate. Tout comme l’émission Cash Investigation consacrée aux pesticides diffusée il y a trois ans [1], également présentée par Élise Lucet, les différents reportages constituant l’émission ont diffusé un discours partisan au détriment d’une information référencée et complète.

À l’époque, le CSA avait rappelé à l’ordre la chaîne de télévision en demandant « aux responsables de France Télévisions de veiller à respecter, à l’avenir, leurs obligations en matière de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, telles que prévues à l’article 35 du cahier des charges » [2]. Visiblement, cet avis est resté totalement ignoré.

L’Afis a procédé à une analyse précise et circonstanciée du reportage [3]. Elle dénonce une présentation quasi exclusivement à charge qui, en deux heures d’émission, donne largement la parole à des militants anti-glyphosate mais n’interroge jamais des représentants d’agences sanitaires (par exemple l’Anses en France), ou d’institutions scientifiques comme l’Académie d’agriculture de France ou l’Académie nationale de médecine.

Parmi les nombreuses défaillances dans le traitement de l’information relevées dans notre analyse, nous pouvons souligner :

  • une mise en scène de tests urinaires autour de l’affirmation erronée selon laquelle la science serait incapable de fixer un seuil au-delà duquel le taux de glyphosate dans les urines poserait un problème de santé ;
  • une présentation anxiogène des concentrations dans les urines (de l’ordre de 1 μg/L) comme étant élevées, alors qu’elles correspondent à une ingestion de résidus de glyphosate 4000 fois inférieure à la dose journalière admissible chez l’Homme ; 400 000 fois inférieure à la dose sans effet, évaluée chez l’animal comme la quantité maximale de substance qui peut être ingérée quotidiennement, pendant toute la vie, sans apparition de troubles physiologiques ;
  • une présentation qui ne mentionne aucune des normes et aucun des seuils sanitaires définis par les agences de sécurité sanitaires (dose journalière admissible, dose sans effet, 378 aliments pour lesquels une limite réglementaire – LMR – est définie, etc.), laissant donc croire qu’il n’existe pas de réglementation sanitaire sur le glyphosate ;
  • l’omission des avis convergents de toutes les agences sanitaires, en France, en Europe et ailleurs, qui ne décèlent pas de risque cancérigène associé à l’usage du glyphosate, alors que seul est mis en avant celui, isolé, du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui par ailleurs ne porte que sur un danger potentiel 1 ;
  • la tentative de réhabilitation des travaux du chercheur Gilles-Éric Séralini, qui ont pourtant été rejetés par la communauté scientifique comme en témoignent les avis des agences sanitaires en France, Belgique, Allemagne, Brésil, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, de l’Union européenne [4], ainsi que l’avis commun (fait rarissime) des Académies des sciences, de médecine, d’agriculture, des technologies, de pharmacie, vétérinaire… Ces travaux ont été ensuite définitivement invalidés par trois études de grande ampleur [5].

Le passage sans doute le plus caricatural du reportage est celui dans lequel Gilles-Éric Séralini, présenté comme l’auteur d’une « des enquêtes les plus dérangeantes » réalisées sur le glyphosate et qui aurait « mis à jour les effets néfastes » de cet herbicide, affirme que « le Roundup [une des formules commerciales du glyphosate] est de manière chronique et à très faible dose un produit mortel […] à la dose autorisée dans l’eau du robinet ». Boire une eau parfaitement conforme à la réglementation pourrait donc vous tuer !

Le magazine use et abuse de témoignages fondés sur des informations invérifiables et sur des généralisations non étayées. Il exploite l’émotion suscitée par la mise en scène de personnes malades et tourne le dos à une véritable information.

Le propos n’est pas de défendre l’usage d’un herbicide ou l’activité d’une entreprise commerciale, mais de défendre une information scientifique rigoureuse et impartiale, condition indispensable pour que les citoyens soient le mieux à même de prendre position dans le débat public.

L’Afis regrette que ce soit une chaîne de télévision du service public qui se fasse, une fois encore, le relais de la désinformation.

Références :
 [1] Communiqué de l’Afis, 9 février 2016 : « Cash Investigation et les pesticides : quand des contrevérités sont diffusées en prime time… ».
 [2] Décision du CSA, « Émission Cash Investigation du 2 février 2016 : intervention auprès de France Télévisions ». Publié le 29 juillet 2016.
 [3] « Glyphosate sur France 2 : décryptage de deux heures de désinformation ».
 [4] « Non, les OGM ne sont pas des poisons : l’“étude choc” six ans après », SPS n°327, janvier 2019.
 [5] « Le cadre réglementaire européen est-il à revoir ? », SPS n°327, janvier 2019.

1 Cette distinction fondamentale entre danger (la capacité d’une substance à produire un effet délétère dans certaines conditions et à certaines doses) et risque (probabilité d’un dommage lié à l’exposition au danger) est très souvent oubliée.

Publié dans le n° 325 de la revue


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