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L’homéopathie vétérinaire au Royaume-Uni

Publié en ligne le 14 janvier 2007 - Homéopathie -
rédigé en français par Jean-Paul Krivine à partir de notes transmises par Niall Taylor

Il y a quelques mois, la communauté vétérinaire du Royaume-Uni a connu de très vives polémiques à l’occasion d’une refonte de la législation sur l’utilisation des médicaments vétérinaires. Au centre de la controverse, le statut des produits homéopathiques.

Dans les années 1980, deux statuts coexistaient pour les médicaments vétérinaires. Les produits nouveaux devaient obtenir une « autorisation complète », comme il est d’usage systématique maintenant, attestant de leur efficacité, mais aussi de leurs effets secondaires possibles. Les produits plus anciens pouvaient s’abstenir de cette démarche en faisant valoir un « usage ancien » n’ayant montré aucun danger particulier, et se voir ainsi accorder une « autorisation d’utilisation ». De plus, toute latitude était laissée aux vétérinaires pour utiliser plus largement les traitements de leur choix, en fonction de leur seul jugement clinique. Ainsi, les homéopathes n’avait-ils pas à justifier de leurs pratiques. Cette absence de règles contraignantes a laissé place à des remèdes pour le moins bizarres (essence de térébenthine, héroïne, ammoniac et strychnine, bleu de méthylène…), et dont on ne pouvait pas affirmer avec certitude qu’il ne restait aucune trace dans l’alimentation humaine (viande, œufs, lait).

La réglementation s’est alors progressivement renforcée, et les médicaments ont dû, soit se couler dans les procédures pour obtenir une « autorisation complète », soit être retirés. Dans le même temps, la liberté totale des praticiens quant au choix des traitements et des médicaments a été supprimée et remplacée par la « règle des cascades » : s’il existe un médicament vétérinaire adapté à la pathologie traitée et pour l’espèce considérée, il doit être utilisé. A défaut, un médicament dédié à une espèce voisine peut être retenu. Et la cascade se poursuit, considérant successivement les médicaments applicables à toutes les espèces, puis ceux préconisés pour les êtres humains.

Dès lors, l’utilisation de remèdes homéopathiques devenait problématique car il existait presque toujours un médicament possédant une « autorisation complète » en amont dans la « cascade ». Bien que ce n’ait pas été l’objectif des promoteurs de la nouvelle réglementation, l’homéopathie se retrouvait devant l’obligation de faire ses preuves, au même titre que les autres traitements et médicaments. En réalité, l’homéopathie devenant de plus en plus populaire, le flou s’est installé, et la pratique a été bien tolérée dans les faits.

Les médicaments homéopathiques repêchés par la nouvelle réglementation

C’est dans ce contexte (en octobre 2005) que le gouvernement a introduit un renforcement des procédure d’agrément des médicaments, avec à la clé, d’importantes pénalités pour les vétérinaires continuant à utiliser ou prescrire des médicaments non reconnus. Toutefois, une catégorie dérogatoire est créée pour une liste de médicaments homéopathiques les dispensant de fournir une preuve d’efficacité ou un dossier de toxicité.

Le texte doit être révisé chaque année. Ainsi, en 2006, et à quelques semaines de l’entrée en vigueur de la nouvelle version, le Veterinary medicines directorate (VMD, l’organisme gouvernemental en charge de la mise en place de la réglementation) s’est rendu compte qu’aucun médicament homéopathique ne figurait dans aucune des listes. Inadvertance malheureusement, et non pas raison ou bon sens… Pour rattraper l’erreur, le VMD a proposé in extremis un amendement visant à accorder un statut dérogatoire à l’ensemble des remèdes homéopathiques (et non plus à une liste définie), les dispensant des procédures de test et de validation nécessaires à l’obtention de l’agrément. Introduit en catastrophe, dans des délais records ne permettant pas la moindre consultation, l’adoption de l’amendement a bien entendu provoqué la déception des vétérinaires sceptiques. Lettres, délégations, emails, rien n’y fera. La loi ainsi amendée entrera en application en octobre 2006.

Vaudou vétérinaire

De façon concomitante, une autre affaire a récemment secoué le monde des vétérinaires d’outre-manche. John Hoare, homéopathe connu, a découvert le site de l’association des vétérinaires sceptiques, la British Veterinary Voodoo Society (voir encadré). Il a estimé, que son contenu était désobligeant envers les vétérinaires homéopathes et a dénoncé les responsables de l’association au Royal College of Veterinary Surgeons, les accusant de ternir la réputation de la profession. La menace a été prise au sérieux, le risque pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer. Bien que l’accusation ait finalement été écartée, une quarantaine de vétérinaires ont adressé une lettre ouverte à la RCVS 1 lui demandant une prise de position claire sur l’homéopathie. La réponse, très décevante, ne s’engageait pas réellement dans la voie d’une médecine scientifique, et comportait même le passage suivant : « le Collège ne prend pas position sur l’efficacité de l’homéopathie » 2

The British Veterinary Voodoo Society

Une substance provoquant des symptômes sur un individu sain va permettre de guérir un individu malade présentant ces mêmes symptômes (principe de similitude de l’homéopathie). Cette affirmation n’est pas mieux fondée que la croyance en la réalité de l’action sur une personne distante des aiguilles plantées dans une poupée. Partant de cette constatation, le site satirique de la British Veterinary Voodoo Society a été mis en place : http://www.vetpath.co.uk/voodoo. Son contenu a été recentré sur les échanges de lettres avec la RCVS suite aux menaces et aux plaintes des homéopathes.

La British Veterinary Voodoo Society demande également au RCVS de ne plus diffuser de liste de vétérinaires homéopathes dans les registres des praticiens vétérinaires, afin de ne pas donner une crédibilité indue à cette pratique en la faisant figurer à côté de spécialités authentiques telles que la chirurgie, la radiologie ou la pathologie clinique…

Les vétérinaires sceptiques ont encore du pain sur la planche au Royaume-Uni, même si la British Association of Veterinary Homoeopaths society (BAVHS) n’affiche que 140 membres pour environ 20 000 vétérinaires déclarés.

Sur le site des laboratoires Boiron

« L’homéopathie permet de traiter l’animal sans laisser de résidus, ce qui en fait un traitement non-toxique non seulement pour l’animal traité, mais ensuite pour le consommateur de viande et l’environnement. » Plus aucun résidu ? Parce qu’il n’y avait rien dans le médicament initial ? Quel aveu au passage ! Mais pourquoi ce « rien » prétendu efficace chez l’animal malade deviendrait-il sans effet plus loin, dans la chaîne alimentaire ?

« Les médicaments homéopathiques peuvent être utilisés pour la majorité des espèces animales ». La majorité des espèces seulement ? Mais quelles sont les espèces pour lesquelles l’homéopathie ne s’appliquerait pas ? Ce n’est indiqué nulle part. Et pourquoi cette inefficacité ?

« En règle générale, l’homéopathie peut jouer un rôle dans toutes les affections où le processus pathologique est réversible ». Efficace sur des processus pathologiques irréversibles, ça friserait le miracle.... Nous n’en demandons pas tant à l’homéopathie.

Suit un entretien avec le Docteur Marie-Noëlle Issautier, vétérinaire, qui affirme que 10 % des vétérinaires français ont recours à l’homéopathie. Elle précise ensuite : « Comme pour l’homme, nous les traitons par une approche individualisée ». Approche individualisée illustrée ainsi : « Dans les élevages industriels de volaille, l’homéopathie obtient des résultats spectaculaires sur le traitement du stress, de l’agressivité et du piquage (trouble du comportement où les animaux s’arrachent les plumes) ». Dans des élevages industriels pouvant compter 30 000 bêtes, qui nous fera croire qu’un vétérinaire puisse offrir un examen et un traitement individualisés ?

1 RCVS, sorte de syndicat des vétérinaires, chargé de défendre les intérêts de la corporation auprès des autorités.

2 La lettre ouverte et la réponse de la RCVS peuvent être consultés sur le site http://www.rationalvetmed.org/.

Publié dans le n° 274 de la revue


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L' auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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