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Maladie de Lyme

La loi peut-elle dire la science à l’encontre du consensus scientifique et au mépris de l’intérêt des patients ?

Publié en ligne le 8 octobre 2019 - Maladie de Lyme -
Communiqué de l’Afis - Paris, 9 octobre 2019

Une proposition de loi vient d’être déposée par un peu plus de 80 députés de tous bords [1]. Elle vise à « étudier la reconnaissance de la chronicité de la maladie de Lyme » et propose de « définir précisément ce qu’est la forme sévère ou chronique » de la maladie.

La représentation politique est bien entendu dans son rôle quand il s’agit de décider de l’affectation de budgets de recherche ou d’infléchir une politique de santé publique. Mais est-elle légitime pour établir des faits scientifiques, décider de l’existence d’une nouvelle forme de pathologie ou la définir ?

La maladie de Lyme fait régulièrement l’objet de campagnes largement relayées dans les médias affirmant l’existence d’une « forme chronique » de la maladie qui serait rebelle à tous les traitements recommandés. Cette forme serait « ignorée des autorités médicales officielles » et justifierait la mise en œuvre d’approches thérapeutiques particulières (antibiothérapies longues, traitements mélangeant homéopathie, caissons hyperbares, chélation, détoxifications, etc.). Aucune d’entre elles n’a fait la preuve de son efficacité et elles présentent même souvent un danger pour les patients qui y ont recours. Ces campagnes ne font qu’aggraver la souffrance de nombreux patients en errance diagnostique et en poussent un certain nombre vers des traitements onéreux qui les éloignent d’une prise en charge adaptée [2]. En France, 24 sociétés savantes se sont récemment alarmées de cette situation d’abord préjudiciable aux patients [3].

Au niveau international, toutes les agences sanitaires diffusent des recommandations de prise en charge de la maladie de Lyme très proches les unes des autres. Elles excluent les traitements antibiotiques longs et rejettent le terme de « maladie de Lyme chronique » qui n’apporte que confusion en voulant regrouper des symptômes très mal définis, très variables d’un patient à l’autre et souvent sans lien avec une morsure de tique. C’est d’ailleurs de façon erronée que la proposition de loi indique que « les États-Unis viennent donc de reconnaître le Lyme chronique » 1.

Par ailleurs, cette proposition de loi instille un doute préjudiciable quant aux données médicales connues et validées. Ainsi, appeler à « conduire des études randomisées de traitement de plus de quatre mois afin d’évaluer les bénéfices d’un traitement prolongé antibiotique » instille-t-il l’idée que de tels traitements seraient bénéfiques et n’auraient jamais été évalués. En réalité, aucune étude menée pour évaluer les traitements prolongés n’a pu montrer l’intérêt de ceux-ci et toutes concluent à leur dangerosité 2. De même, demander de « clarifier et quantifier les risques de contamination in utero, par le sang et par le sexe » laisse-t-il entendre qu’un grave danger ne serait pas pris en compte, alors que ce danger est déjà bien quantifié 3. Sur ces sujets, les connaissances scientifiques sont régulièrement réévaluées. Laisser croire l’inverse ne fait que renforcer la défiance envers l’expertise publique.

Une politique de santé publique doit s’appuyer sur la science et sur l’expertise existante. Elle ne peut en aucun cas fixer par un texte de loi l’état de la connaissance scientifique à la place des experts et au mépris des patients.

Références

1 | Proposition de loi visant à étudier la reconnaissance de la chronicité de la maladie de Lyme (n°2258). Enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2019. Sur www.assemblee-nationale.fr.
2 | « Maladie de Lyme : et si le scandale était ailleurs ? », dossier de Science et pseudo-sciences n°321, juillet
3 | « Maladie de Lyme : 24 sociétés savantes se mobilisent pour protéger les patients », 11 juillet 2019. Sur www.infectiologie.com, le site de la Société de pathologie infectieuse de langue française.
4 | Les pages des CDC consacrées à la maladie de Lyme : www.cdc.gov/lyme/index.html.
5 | « Chronic Lyme Disease », sur le site des National Institutes of Health (NIH) qui dépendent du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis : www.niaid.nih.gov.
6 | « Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques. Recommandations des sociétés savantes françaises », Médecine et maladies infectieuses, volume 49, no 5, août 2019.

1 Sur la prétendue reconnaissance aux États-Unis de la « forme chronique ». Il suffit de se reporter au site des CDC (Centers for Disease Control américains) (4) pour lire que le terme de « maladie de Lyme chronique […] a été utilisé pour décrire une grande variété de conditions différentes et peut donc être source de confusion » et, que pour cette raison, « les experts ne sont pas favorables à son utilisation ». Le site des agences de recherche du ministère de la Santé (NIH, National Institutes of Health) reprend la même caractérisation du terme « maladie de Lyme chronique » et précise que ce terme couvre des « personnes atteintes de différentes maladies » (5).

2 Sur les antibiothérapies longues, le site des NIH américains, par exemple, indique que les études « ont montré qu’une antibiothérapie supplémentaire n’est pas utile et peut être dangereuse » (5). Les sociétés savantes en France confirment « l’absence d’intérêt des antibiothérapies prolongées » et que « ces traitements ne sont pas sans risque » (6).

3 Sur la transmission par contact sexuel, par le sang ou in utero. « Il n’y a aucune preuve scientifique crédible que la maladie de Lyme se transmette par contact sexuel […]. Bien qu’aucun cas de maladie de Lyme n’ait été associé à une transfusion sanguine, des scientifiques ont découvert que la bactérie de la maladie de Lyme peut vivre dans le sang d’une personne présentant une infection active et stockée pour le don. Les personnes traitées pour la maladie de Lyme avec un antibiotique ne doivent pas donner leur sang. Les personnes ayant terminé un traitement antibiotique contre la maladie de Lyme peuvent être considérées comme des donneurs de sang potentiels » (4). « La transmission sexuelle est une hypothèse évoquée, jamais prouvée. La transmission materno-fœtale de la borréliose de Lyme a été suggérée par des autopsies, mais il n’a pas été mis en évidence de lien de causalité avec le décès du fœtus. Une femme enceinte présentant une borréliose de Lyme doit être traitée selon les mêmes modalités qu’en population générale, sans retard » (6).


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Maladie de Lyme

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse, non contagieuse, causée par une bactérie (de type Borrelia burgdorferi) transmise à l’Homme par piqûres de tiques infectées. Le consensus scientifique, partagé par l’ensemble des agences sanitaires au niveau international, fait l’objet d’une contestation de la part de certaines associations.