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La mort choisie

Publié en ligne le 20 mai 2020
La mort choisie
Comprendre l’euthanasie et ses enjeux

François Damas
Mardaga, 2020 (1ère édition 2013), 176 pages, 19,99 €

Au cours des décennies passées, la médecine de la toute fin de vie a beaucoup évolué et le paternalisme traditionnel a été remplacé par le consentement éclairé qui lui-même cède lentement la place à la décision partagée comme base de toute relation de soins. Car dans tout acte de soin, c’est à la personne souffrante de dire ce dont elle a besoin, ce qu’elle préfère, ce qu’elle accepte ou refuse. Le médecin n’est pas là pour la dissuader ou la contraindre, mais pour l’informer et l’assister, quelle que soit sa décision.

S’il est admis que l’on peut choisir d’avoir ou non des enfants, de pratiquer ou non le dépistage d’une maladie, de suivre ou non un traitement, il est beaucoup moins accepté que chacun puisse exprimer ses préférences, ses choix qu’il veut voir respecter lorsqu’il s’agira de mourir. Certains pays disposent d’une législation sur l’euthanasie. Leurs législations répondent à un principe fondamental : le respect du patient et de son autonomie. Car, dans la réflexion sur l’euthanasie, la question de l’autonomie est centrale. Dans ces pays où l’euthanasie est encadrée par la loi, le peuple et ses représentants ont jugé qu’on pouvait en toute lucidité et en toute liberté demander à mourir et, dans certaines circonstances bien précises, y être aidé.

François Damas, l’auteur de cet ouvrage, médecin réanimateur engagé dans la pratique de l’euthanasie en Belgique, rassemble son expérience de trente années de vie professionnelle au contact des patients et de leurs familles. Son but est de rendre visible ce qui se joue pour chacun d’entre nous lorsque se pose la question de la fin de la vie. Il montre que l’euthanasie n’est qu’un acte de soins parmi tant d’autres qui accompagnent les fins de vie. Cependant l’euthanasie reste l’objet d’erreurs, d’amalgames et de contrevérités qui ne peuvent qu’angoisser les malades et leur entourage et les plonger dans la confusion face aux épreuves qui les attendent.

Le livre de F. Damas est empreint de sensibilité et d’humanisme. Il ne célèbre pas l’euthanasie mais l’autonomie de celui qui désire mourir. L’auteur commence en partageant avec nous quatre questions qui concernent tous les médecins qui s’occupent des malades en fin de vie : l’arrêt d’une assistance respiratoire, la suspension de l’hydratation et de l’alimentation, l’accélération de la mort par administration d’analgésiques puissants et de sédatifs durant la phase terminale du patient en fin de vie, et enfin, la prise en charge de la souffrance de la famille qui est là, présente, au moment de la fin. Ces questions ne traitent pas d’euthanasie en soi, mais elles sont essentielles pour comprendre la réalité́ d’une euthanasie.

Après un rappel historique de la loi votée en Belgique, loi de confiance entre les acteurs de l’euthanasie (patients et soignants), il décrit précisément la réalité de l’euthanasie, les peurs des malades et les craintes des soignants. Il montre qu’une demande d’euthanasie ne peut être assimilée à une démarche suicidaire ni être réduite à une peur de la mort. Au-delà de la demande clairement formulée, le patient doit être le moteur des décisions qui le concernent et de leur application. Le médecin lui, ne décide pas. S’il accepte (car il peut décliner la demande), et après une longue période de dialogue, il accompagne la personne qui désire mettre un terme à sa vie.

F. Damas décrit avec simplicité et humilité toute la complexité d’une demande qui est propre à chaque patient et qui défie toute généralité́ simplificatrice. Il n’élude pas les questions, inquiétudes, dilemmes qui se présentent à tous, familles, médecins et autres membres de l’équipe soignante. Il replace l’euthanasie à sa juste place à côté des soins palliatifs et montre la complémentarité de ces approches dans l’ensemble des soins de fin de vie. Il rappelle qu’écoute et engagement sont les maîtres mots du comportement médical. La demande d’euthanasie doit en effet être entendue par des praticiens prêts à accepter ou non mais sans jugement la décision des patients et par des soignants prêts à s’engager.

Comme le dit Martin Winckler 1 dans la préface : « Ce livre est un beau livre, un de ces livres qui font du bien à lire. Un de ces livres qui parlent avec intelligence et humilité de ce qui constitue l’humanité du soin : le respect, le partage, la fraternité. » 
 
Quoique les exemples donnés fassent référence à la pratique de l’euthanasie en Belgique, ce petit livre aide à comprendre ce que représente l’euthanasie, la réflexion qui la précède, les précautions qui l’accompagnent, les procédures parfois longues qu’elle exige. Il est enrichi d’un glossaire, indispensable à la compréhension du problème, de résumés clairs et précis ainsi que de quelques conseils de lecture. Il s’avérera un outil précieux pour tous ceux qui, en Belgique ou ailleurs, se posent des questions sur l’euthanasie et ses enjeux.

1 Martin Winckler est médecin, romancier et essayiste, auteur de La Maladie de Sachs (prix du Livre Inter, 1998).