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Dossier • Climat - ce que dit la science, ce qu’elle ne dicte pas

Le Groupe 3 du GIEC : l’idéologie se mêle à la science

Publié en ligne le 19 septembre 2016 - Climat -

Le Groupe 3 du GIEC a pour mission de produire « une évaluation de la documentation concernant les aspects scientifiques, techniques, environnementaux, économiques et sociaux de l’atténuation des changements climatiques ». Dans le dernier rapport de ce Groupe 3, on peut lire cette précision [1] : « Bien souvent, les faits et les valeurs sont intimement liés et la résolution d’un conflit de valeurs ne saurait être purement scientifique » 1. Diverses disciplines sont rassemblées, issues de l’économie et des sciences humaines et sociales incluant « les sciences du comportement humain et social – dont la psychologie, les sciences politiques, la sociologie, les branches non normatives de l’économie, […] l’éthique (philosophie morale) ». Comme le souligne Jean-Charles Hourcade, économiste et contributeur au groupe de travail, ces expertises recouvrent des « domaines dans lesquels les incertitudes sont d’un ordre de grandeur supérieur à celles des modèles climatiques et qui sont difficilement isolables de questions éthiques et politiques » [2].

Le Groupe 3 du GIEC a élaboré son analyse en se fondant sur 1200 scénarios de référence illustrant des stratégies d’atténuation des émissions de gaz à effets de serre. Les experts reconnaissent que ces scénarios n’ont rien de consensuels : « dans la majorité des cas, les projections socio-économiques sous-jacentes reflètent les choix particuliers de l’équipe de modélisation quant à la façon de conceptualiser l’avenir en l’absence de politique climatique. Les scénarios de référence présentent un large éventail d’hypothèses concernant la croissance économique […], la demande d’énergie […] et d’autres facteurs, en particulier l’intensité carbone de l’énergie ». Ces modèles incluent en général « une représentation intégrée des systèmes humains ». Ils prétendent permettre « de comprendre comment diverses actions ou décisions aboutissent à des résultats différents dans des systèmes complexes ». Quelle science saurait, aujourd’hui, représenter de façon consensuelle les « modèles humains » et simuler de façon réaliste les conséquences des actions et décisions ? D’une façon générale, le texte fait de nombreuses «  hypothèses sur les imperfections du marché », sur l’« adoption par les marchés », l’impact d’« un prix uniforme du CO2 et des autres GES [gaz à effets de serre] dans tous les secteurs de l’économie et tous les pays du monde » s’exprimant dans le cadre « de marchés très efficaces qui ne présentent pas de déficiences outre l’effet externe du changement climatique ». S’agit-il là d’une science validée que l’on peut mettre au même plan que la science du climat ?

Il y a également ce qui est absent du rapport, reflétant implicitement d’autres choix idéologiques : bien peu de choses sur la manière dont les sociétés peuvent s’adapter au changement climatique (l’adaptation est essentiellement vue comme un effet collatéral de l’atténuation). Aucune analyse sur les développements et l’usage de certaines technologies qui pourraient contribuer à l’adaptation comme, par exemple en agriculture, les biotechnologies. Ce qui est à regretter, ce ne sont pas ces manques, ces contradictions, ces limites… mais plutôt que ce Groupe soit mis au même niveau méthodologique et scientifique que le Groupe 1 exprimant la science du climat. Le Groupe 3 exprime une expertise et des conceptions qui, aujourd’hui, relèvent largement de l’opinion et d’options idéologiques.

1 Sauf mention contraire, toutes les citations sont issues du dernier « Résumé à l’intention des décideurs et résumé technique » du Groupe 3 du GIEC.

Publié dans le n° 317 de la revue


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Les auteurs

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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Michel Naud

Ingénieur, entrepreneur des industries métallurgiques et mécaniques, président de l’AFIS de 2006 à 2010.

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