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Le retour de Yellowstone dans l’actualité

Publié en ligne le 14 juillet 2019 - Information scientifique -

Parmi les nombreuses catastrophes qui menacent l’humanité, certaines pourraient venir de la gestion extravagante qu’elle fait des ressources de la Terre (combustibles fossiles, déchets de toute nature, biocapacité, croissance démographique, eau douce…). Deux autres sont dues à des phénomènes naturels : collision de la Terre avec un gros astéroïde, éruption d’un supervolcan.

Schéma de la caldeira de Yellowstone surmontant la chambre magmatique du point chaud de Yellowstone
Schéma de la caldeira de Yellowstone surmontant la chambre magmatique du point chaud de Yellowstone @Wikimedia common

Pour la première, plusieurs projets sont à l’étude à la NASA [1] pour essayer de détourner un visiteur redouté. Un des acteurs probables de la seconde, le supervolcan caché sous le parc de Yellowstone, a été présenté par Science et pseudo-sciences [2]. Rappelons seulement que les éjecta produits par les éruptions qui ont eu lieu vers –2,1, –1,3 et –0,64 millions d’années ont couvert une bonne partie de l’ouest et du sud des États-Unis et du nord du Mexique, avec des couches de quelques millimètres à quelques mètres d’épaisseur. Depuis, l’activité volcanique 1 n’a pas cessé dans la région. De nouvelles techniques sont venues compléter l’arsenal déjà disponible pour sa surveillance. Par exemple, Y. Zhou et son équipe ont exploité une méthode [3] utilisant un réseau de sismographes et les ondes de surface qui le traversent 2[4].

Toutes les nouvelles qui proviennent des services chargés de sa surveillance sont présentées dans la presse d’une façon qui peut maintenir un climat de crainte dans la population des États-Unis, souvent avec l’appui de milieux religieux annonçant une proche Apocalypse. Une faille longue de 30 m, apparue en surface, est présentée dans les médias comme signe précurseur d’une prochaine reprise de l’activité volcanique [5], alors que le Service géologique des États-Unis ne constate aucune augmentation de la sismicité.

Il est donc tentant de rechercher, comme on le fait avec les astéroïdes, une méthode permettant d’éviter ou de retarder une catastrophe majeure, quelle que soit la façon dont le volcan est alimenté en matière en fusion, qu’elle vienne d’un point chaud ou, comme le propose Y. Zhou, de la plaque océanique Farallon, déchirée en plusieurs morceaux et plongeant sous la plaque nord-américaine, de nature continentale dans cette région.

D. C. Denkenberger, dans une étude très minutieuse dont on recommande vivement la lecture [6], fait la présentation d’une soixantaine de ces projets. On peut classer leurs méthodes : modification des propriétés du magma (température, pression, viscosité, cristallisation), son extraction ou celle des gaz émis, par fracturation hydraulique de la croûte sus-jacente, son refroidissement qui retarde la formation des gaz ou son renforcement (stabilisation mécanique ou cimentation des fractures), son chargement par création de barrages hydrauliques ou dépôt de terre, de roches, déclenchement d’une éruption mineure, éventuellement par explosion nucléaire près de la chambre, bulles stratosphériques pour contenir les gaz et les éjecta dans l’atmosphère, perturbation du panache qui apporte le magma… L’auteur compare la faisabilité de ces diverses méthodes et les risques associés. Sa conclusion est que les interventions les plus prometteuses impliquent l’augmentation de la pression subie par le magma. Dans tous les cas, une fois bien établie la faisabilité technique du procédé choisi, l’éruption serait retardée d’un siècle environ, après une dizaine d’années de travaux. On peut espérer qu’entre temps des techniques plus performantes soient mises au point. Resterait, vu ses probables effets secondaires, à faire accepter cette entreprise par la population, le gouvernement des États-Unis et ceux des États voisins.

L’espèce humaine reste incapable de constituer une gouvernance planétaire efficace qui permettrait de prévenir les catastrophes d’origine anthropique, en mettant en œuvre des programmes bien établis. On peut douter qu’elle parvienne à mettre sur pied un projet de la taille de ceux qui ont été mentionnés, alors que certains, par exemple ceux qui fragilisent la croûte sus-jacente, présentent le risque de produire prématurément une catastrophe d’une taille voisine de celle que l’on voulait éviter, ou que d’autres, comme celui qui envisage la contention des éjecta au-dessus de l’éruption, risquent de ne pas réussir à en éviter les conséquences.

Georges Jobert

Géophysicien, ancien directeur de l’Institut de physique du globe de Paris

Références

- [1] Voir par exemple : “What Is NASA›s Asteroid Redirect Mission ?”. Sur nasa.gov
- [2] Jobert G, « Peut-on mieux apprécier la menace que représente un supervolcan ? », SPS n° 321, juillet 2017.
- [3] Zhou Y, “Anomalous mantle transition zone beneath the Yellowstone hotspot track”, Nature Geoscience, 2018, 11 :449-453.
- [4] Jobert N et al., “Deep structure of southern Tibet inferred from the dispersion of Rayleigh waves through a long-period seismic network”, Nature, 1985, 313 :386-388.
- [5] Russel R, “Yellowstone volcano : Cracks appear in rocks – Is it sign of Yellowstone eruption looming ?”, 20 juillet 2018. Sur express.co.uk
- [6] Taylor AR, Denkenberger D, Pearce J, “Integrative Risk Management for abrupt catastrophes destroying 10 %-20 % of global food supply”, Proceedings of the 6th International Disaster and Risk Conference (Davos, Suisse), 2016. Sur academia.edu

1 Des éruptions ont encore eu lieu jusqu’en –70 000. Une éruption hydrothermale a produit un cratère de 5 km de diamètre il y a environ 13 000 ans.

2 Testée par l’IPGP, au début des années 80 pendant la campagne franco-chinoise d’étude de la croûte sous le Tibet, avec peu de moyens et de gros problèmes logistiques .

Publié dans le n° 327 de la revue


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L' auteur

Georges Jobert

Georges Jobert est géophysicien et professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie. Il a été directeur (...)

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