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Dossier Maladie de Lyme

Le vrai scandale de la maladie de Lyme

Publié en ligne le 30 octobre 2017 - Maladie de Lyme -

Ils sont malades. Incontestablement ; ceux qui croient être atteints de la maladie de Lyme ou à qui on le fait croire.

Troubles tardifs qui n’ont plus rien à voir avec l’affection initialement décrite. Abus de pouvoir de quelques médecins égotiques, abus de confiance à l’égard des patients. Là est le « scandale » avec un habillage devenu habituel : « en vérité, je vous le dis, je suis le seul médecin à vous comprendre ; mes confrères n’y connaissent rien, venez à moi et je vous guérirai ! »

Une phase tardive bien connue de la maladie est amplifiée et se voit rattachée une série de symptômes fonctionnels confus ou de maladies sans étiologie précise. Les tests biologiques sont déclarés sans aucune valeur et, s’ils sont négatifs, c’est parce que les laboratoires qui les proposent sont défaillants. Les malades traumatisés par l’errance diagnostique sont invités à s’adresser à l’étranger à des structures douteuses délivrant les résultats positifs espérés des patients, convaincus que leur médecin traitant est incompétent ou dépendant de firmes pharmaceutiques. Les décideurs politiques, à leur tour, sont sommés de modifier les recommandations existantes au risque d’être accusés de manquer d’objectivité et de courage. Ceux qui, soucieux de rétablir la vérité et le bon sens, s’élèvent contre ces affirmations sont menacés de procès et de manque d’empathie envers les malades, alors qu’ils s’opposent à un réseau international de désinformation. Tel est le montage malsain où l’argent et le narcissisme tiennent une place importante  ; montage amplifié par des associations de « défense des malades » animées par des naturopathes ou autres mages qui réclament, au nom du droit des malades, la prescription de thérapeutiques incohérentes, dangereuses et sur une longue durée…

Duper ceux qui, désemparés, appellent au secours, est révoltant : voilà « le vrai scandale de la maladie de Lyme », proche d’une escroquerie médicale. Il est grand temps de dénoncer la duperie et l’irrationnel.

Dans ce contexte, le rôle de la presse, qui titre trop souvent sur le sensationnel et participe à la montée en puissance de ce mythe, devrait être, au contraire, d’aider les scientifiques à rétablir la vérité et à mettre un terme à l’entreprise d’intoxication d’un public désinformé.

Non, la maladie de Lyme n’est pas mystérieuse et la situation n’est pas explosive. Il convient de mettre fin à la « lyme-mania » et de défendre des patients trompés et exploités. Oui, il y a de la mystification au royaume de Lyme !

Une médecine fondée sur les faits scientifiques ou sur l’émotion ?

Un « Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques » a été mis en place en septembre 2016 sous

l’égide du Ministère de la santé. Il part du constat que « la maladie de Lyme fait l’objet aujourd’hui de nombreux débats et controverses » dont l’objet est de « répondre concrètement aux inquiétudes légitimes exprimées par les citoyens » [1]. Cinq axes structurent ce plan, allant de l’amélioration de la connaissance sur l’incidence de la maladie dans la population, la surveillance de la présence des tiques sur le territoire, une meilleure formation des médecins à une amélioration des tests diagnostiques et un développement de la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques.

Un volet spécifique porte sur l’amélioration et l’uniformisation de la prise en charge des malades. La Haute autorité de santé (HAS) publiera en septembre 2017 une mise à jour du protocole national de diagnostic « après concertation avec les différentes parties prenantes ». Un groupe de travail regroupant « patients et professionnels concernés » est mis en place.Il a tenu sa première réunion en janvier 2017. Mais, bizarrement, sa composition n’est pas communiquée sur le site du ministère. Les associations parties prenantes indiquent que celle-ci est « confidentielle », tout comme le sont les documents qui seront produits. Ceci n’empêche pas ces mêmes associations de mettre en ligne leurs propres comptes-rendus où l’on peut apprendre que le groupe serait composé d’une trentaine de personnes, dont une dizaine de représentants associatifs (FFMVT, France Lyme, Lympact, Le relais de Lyme, Lyme sans frontières et le Droit de Guérir [2]) qui, pour la plupart, véhiculent de fausses informations et font la promotion de remèdes inefficaces ou dangereux. Elles demandent la reconnaissance des recommandations alternatives de l’association américaine ILADS, pourtant invalidées scientifiquement (voir encadré dans ce dossier).

L’émotion, amplifiée par la couverture médiatique, est forte. Pour autant, l’intérêt des patients et de la population en général ne suppose-t-il pas que les décisions de santé publique soient prises en fonction de l’état de la connaissance scientifiquement validée ?

Les recommandations médicales elles-mêmes ne peuvent être le fruit d’une négociation entre un monde associatif et les représentants politiques sous le feu de la couverture médiatique. Les bonnes pratiques en médecine et les protocoles de prise en charge ne relèvent pas de l’opinion, du rapport de force ou de l’émotion, mais des approches scientifiques et validées. N’est-ce pas ce que tout citoyen est en droit d’attendre, pour son propre intérêt et pour l’intérêt collectif ?

Jean-Paul Krivine

1 | « Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques » sur le site du Ministère des solidarités et de la santé.
2 | Compte-rendu publié sur son site par la FFMVT.

Publié dans le n° 321 de la revue


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L' auteur

Marc Gentilini

Professeur émérite de la faculté de médecine (Pitié-Salpêtrière) et spécialiste des maladies infectieuses et (...)

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Maladie de Lyme

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse, non contagieuse, causée par une bactérie (de type Borrelia burgdorferi) transmise à l’Homme par piqûres de tiques infectées. Le consensus scientifique, partagé par l’ensemble des agences sanitaires au niveau international, fait l’objet d’une contestation de la part de certaines associations.