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Les antibiotiques, c’est la panique !

Publié en ligne le 12 janvier 2019
Les antibiotiques, c’est la panique !
Les solutions pour lutter contre la résistance des bactéries

Étienne Ruppé, préface de Jacques Acar
Éditions Quae, 2018, 158 pages, 18 €

Naufrage, overdose, cauchemar, impasse, désastre, requiem auxquels on peut ajouter « sauver les antibiotiques » ou « triomphe des bactéries », et ce sous-titre extraordinaire d’un livre paru aux États-Unis en 1992 Comment un médicament miracle est en train de détruire le miracle. Ce sont les mots associés depuis longtemps à la saga des antibiotiques. Ajoutant le terme « panique » au panel des vocables déjà cités, le livre du Dr Étienne Ruppé ajoute une petite pierre, destinée aux non-spécialistes, à l’édifice déjà si important des inquiétudes sur le devenir du traitement des maladies bactériennes.

Les bactéries font partie de notre vie. Si le plus souvent elles sont nos amies, il est de nombreuses situations, banales, où les bactéries deviennent dangereuses. Et puis, avec ou sans antibiotiques (mais encore plus souvent avec), elles vont développer, inventer, transmettre des résistances qui les rendent insensibles aux antibiotiques utilisés pour traiter les infections dont elles sont causes. C’est la partie la plus importante de l’ouvrage, l’auteur étant bactériologiste.

Il y a cependant l’espoir d’un changement. Dans ce sens, l’auteur aborde les paramètres qui seront facteurs d’une modification profonde des processus qui, aujourd’hui, conduisent à l’impasse, c’est-à-dire à l’antibiotique de demain qui ne servirait plus à rien : bon usage (médical et non médical), amélioration du diagnostic bactériologique, protection du microbiote. Est aussi évoqué le développement de nouvelles voies : les phages ou la recherche de nouveaux antibiotiques.

Même si le vocabulaire reste très médical, l’ensemble est facilement accessible au lecteur grâce aux nombreuses explications.

La présentation des modes de découverte des antibiotiques, mais plus encore celle de l’émergence des résistances et de leur identification, donnent le sentiment d’un grand capharnaüm dans le monde de la recherche. Dans l’ouvrage, tout semble un peu arriver au hasard, comme s’il n’y avait guère de logique au suivi de cette histoire. Certes, il y a un grand fil conducteur qui est la relation entre un usage désordonné d’antibiotiques et la nature, la qualité, l’importance des résistances qui vont naître. Certains antibiotiques font apparaître ou émerger rapidement des résistances et favorisent leur diffusion rapide, d’autres de façon beaucoup plus lente, et le lecteur aura un peu de mal à se retrouver dans cet ensemble. Il est clair que les conditions liées à l’environnement et l’hygiène si variable des pays du globe sont des paramètres majeurs du transfert de pathogènes résistants vers des individus qui pourront en être malades.

L’éditeur souligne le caractère résolument « optimiste » de l’ouvrage. Il n’est pas certain qu’on puisse adhérer à cette proposition. Ni les mesures pour un usage optimal des antibiotiques, ni le grand plan pour inventer, valider et surtout valoriser des antibiotiques de demain ne sont clairement abordés. L’auteur a l’air de croire à un modèle économique comportant le développement initial par des start-up, alors que les grandes agences réfléchissent à des initiatives visant à encourager le développement de nouveaux antibiotiques. En l’état, c’est une utopie.

Rien ne pourra se faire tant qu’on n’aura pas compris qu’inventer de nouveaux antibiotiques sera dorénavant une activité non rentable mais indispensable pour éviter un retour en arrière d’un siècle.