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Les thérapies comportementales (présentées par Jacques Van Rillaer)

Publié en ligne le 13 juillet 2004 - Psychanalyse -
par Michel Rouzé - SPS n° 219, janvier-février 1996
Pour des informations plus récentes, voir Les thérapies cognitivo-comportementales (2014).

J’avais fait sa connaissance à Paris, au cours d’une de ces réunions où tournent parmi les chercheurs professionnels quelques unes de ces mouches du coche qui se parent du titre de journalistes scientifiques. Je ne sais pourquoi je lui parlai des difficultés familiales qui me tourmentaient et nuisaient à mon travail. Il me dit que si je ne connaissais pas de moyen pour résoudre ces problèmes, le mieux était d’y penser un peu moins et de combattre l’obsession. Sur le moment ce conseil ne m’a guère impressionné. L’expérience m’a appris qu’il était bon. Je suis arrivé à moins me morfondre de ce que je ne puis changer et même à en diminuer parfois la nuisance objective, en évitant les démarches inutiles.

Le scientifique qui m’a ainsi aidé et dont dans quelques circonstances j’ai gagné à me rappeler la parole est le psychologue belge Jacques Van Rillaer. Il vient de signer un ouvrage qui vaut beaucoup plus, en apport de connaissances, que le modeste format dans lequel il se présente : la dimension d’un carnet de poche, 10 x 15 cm, avec une couverture en joli cartonnage rouge, lisse et solide. Telle est la collection Essentialis, proposée par les Éditions Morisset, avec une quinzaine d’autres titres dans le même domaine, ainsi défini par l’éditeur : Nous avons voulu procurer au lecteur que vous êtes une synthèse objective et complète de ce que l’on nomme « les thérapies nouvelles ». Souvent confrontés à des ouvrages trop exhaustifs et malheureusement rébarbatifs, l’accès à la compréhension et l’apprentissage de ces techniques est réservé à une élite. Avec un langage clair et précis, les clés vous sont ici données pour en appréhender « l’essentiel ».

Il existe depuis toujours une psychologie du sens commun, qui s’exprime dans les dictons et les croyances. Sont venues ensuite la psychologie des créations littéraires, et la psychologie philosophique, déjà plus rationnelle. Van Rillaer rattache à cette dernière la « psychanalyse » freudienne, au moins aussi intolérante à l’égard des hérétiques que certaines écoles de l’antiquité. La psychologie scientifique est née au vingtième siècle, grâce surtout aux recherches des médecins et des physiologistes.

En 1913 l’Américain John Watson exclut de la psychologie scientifique les vaines notions d’« âme » ou d’« esprit ». Sa fonction est d’observer et d’expérimenter le comportement humain, behavior. Elle est la science du comportement, béhaviorisme ou comportementalisme. Watson dénonce la pseudo-science qui explique nos conduites par des entités mentales inobservables.

L’individu qui frappe son voisin a un comportement agressif, mais on parle pour ne rien dire en rapportant ce comportement à un « caractère agressif » ou à une « impulsion » agressive. C’est ce que les logiciens appellent une tautologie, c’est à dire, ici, le fait de donner pour cause à un phénomène ce phénomène lui-même. La psychologue doit observer dans quelles conditions d’environnement ou d’état physiologique apparaissent de tels comportements, et à partir de là essayer des moyens d’agir sur eux.

Le comportementalisme a évolué. Ses pratiquants ont pu s’engager dans des voies diverses, mais non pour autant incompatibles. Certains ont privilégié la prise de connaissance du monde extérieur : c’est la psychologie cognitive. D’autres, le comportement entre individus : c’est la béhaviorisme proprement dit. Puis la plupart des psychologues scientifiques ont cherché à intégrer les deux approches. Il en est résulté un certain désordre dans le vocabulaire technique, mais finalement on peut simplement parler de psychologie scientifique. La même diversité s’est manifestée quand on a commencé à utiliser la psychologie scientifique à des fins thérapeutiques. En France, note Van Rillaer, les praticiens parlent de « thérapie cognitivo-comportementale » ; chez les Anglo-saxons, et ailleurs, on allège le vocabulaire en parlant de « thérapie comportementales »

Pour le lecteur non professionnel le débat linguistique a moins d’intérêt que l’essor des thérapies et leur efficacité. Les premiers essais - aux USA - ont porté sur le traitement des phobies. Les désensibilisations progressives, semblables à des apprentissages, sont efficaces, sans susciter aucun mal de remplacement, contrairement à ce qu’imaginait Freud... Le thérapeute et son client collaborent, jusqu’à ce que le client soit en mesure d’agir sur lui-même pour affronter les sources d’anxiété.

Tout en s’appliquant à être accessible, le texte de Van Rillaer est trop dense pour qu’on ne risque pas de le trahir en voulant le résumer. Citons en exemple l’importance d’un manque de plaisirs sensoriels, de relations affectives, de succès personnels, susceptible de rendre nocives et gonfler démesurément des pensées qui peuvent traverser tout esprit ordinaire sans pour autant le perturber. Chez l’individu frustré elles deviennent obsédantes et créent des impulsions bizarres ou choquantes - crime, suicide - que le malheureux cherche à exorciser par des rituels de maniaque. Le comportementaliste n’est pas un gourou. Il ne prétend pas donner une autre identité à son client, mais lui apprendre progressivement à se comprendre et mieux se gérer lui-même, et à mieux se comporter avec autrui.

Le lecteur sera peut-être tenté de se demander si les behavioristes ne prétendent pas remplacer toutes les autres thérapies pour les maux dont ils s’occupent. Mais non ! L’auteur met ici le point sur les i. Une dépression peut être liée à un mauvais fonctionnement des transmissions entre neurones. En ce cas, elle est justiciable de médicaments appropriés ; la psychothérapie n’a qu’un rôle de complément.

La connaissance de notre système nerveux fait en ce moment des progrès rapides. Le moment approche peut-être où elle formera avec les béhaviorismes une association étroite.

Les comportementalistes ont maintenant publié une centaine d’études sur les résultats qu’ils ont obtenus. Comme en toute thérapie, certains troubles se traitent aisément, d’autres échappent encore. « les oraticiens » écrit Van Rillaer « ne font pas de miracles, mais le bilan est enthousiasmant et l’avenir plein de promesses ».

Lisez ce petit livre attentivement. Il peut vous apporter beaucoup. Ne serait-ce qu’en dissipant les brumes que laissent encore planer, surtout en France, les dogmes fatalistes de la « psychanalyse » freudienne. En son temps, elle a sans doute joué un rôle positif en libérant les chercheurs des préjugés « moraux » qui entravaient la connaissance. Aujourd’hui elle est dépassée - comme Freud lui-même l’avait prévu.

P.S. pour les praticiens. Voici l’adresse - vraiment bien choisie ! - de l’Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC) 100 rue de la Santé - 75674 Paris. Tél. : 45 88 35 28. - En Belgique, Association pour l’étude, la modification et la thérapie du comportement (AEMTC). Rue du Jardin Botanique, 36-4000 Liège.

Publié dans le n° 219 de la revue


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L' auteur

Jacques Van Rillaer

Professeur émérite de psychologie à l’université de Louvain (Louvain-la-Neuve) et à l’université Saint-Louis (...)

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