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Maladie de Lyme : quand il devient impossible d’informer

Publié en ligne le 11 juillet 2019 - Maladie de Lyme -

Le Conseil de l’ordre des médecins de l’Ain se voit reprocher de faire son travail d’information. Dans une lettre datée du 20 septembre 2018 [1] et adressée à ses membres, il anticipe que de nombreux patients viendront consulter pour  « des tableaux cliniques évoquant une éventuelle maladie de Lyme ». En effet, la controverse médiatique qui s’est développée sur le sujet, accompagnée des fausses informations relayées sur Internet, ne peut que pousser les patients à une inquiétude croissante [2].

Le Conseil rappelle bien qu’ « il n’a pas vocation d’expert médical » mais que sa charte de déontologie stipule que  « le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapies qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ». Et effectivement, les pratiques douteuses et dangereuses prétendant apporter des solutions à des malades atteints de Lyme ou supposés l’être sont légion (voir « Les “Lyme doctors” : un risque pour les patients » [3]). Et le président du Conseil de l’ordre précise également qu’il n’existe aucun diplôme universitaire permettant de se prévaloir d’une spécialité « maladie de Lyme ».

La lettre informe ensuite les médecins de l’état des connaissances scientifiques : en mentionnant les recommandations de bonne pratique face à la maladie de Lyme publiées par la HAS (Haute autorité de santé, juin 2018), mais également en indiquant que la Société de pathologie infectieuse en langue française (SPILF) n’a pas validé ces recommandations, et que l’Académie de médecine et le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) conseillent de ne pas les suivre [4], le Conseil ne fait que son travail d’information des médecins de son département.

Ce travail d’information n’a pas été au goût de certaines associations qui ont alerté la presse et demandé au préfet de déclencher une procédure disciplinaire à l’encontre du président départemental de l’ordre [5]. Ces mêmes associations se mobilisent régulièrement pour essayer d’obtenir l’interdiction de formations scientifiques ou de réunions d’informations qui impliqueraient la participation de spécialistes non agréés par eux (comme ce fut le cas pour la réunion publique organisée par l’Afis sur le sujet en mars 2018).

L’ordre des médecins de l’Ain, avec cette lettre, a fait son travail d’information dans le souci de la santé des patients, à l’occasion de cette controverse où les arguments scientifiques ont largement été oubliés. La Haute autorité de santé, après la publication de ses recommandations, peut-être plus motivée par des considérations politiques que scientifiques (recommandations refusées par toutes les sociétés savantes impliquées dans la discussion), persiste en réagissant à cette nouvelle polémique : elle  « déplore l’initiative du conseil départemental de l’Ordre des médecins de l’Ain qui […] ajoute de la confusion dans l’esprit des praticiens qui prennent en charge ces patients, entraînant une perte de chance pour ces derniers » [6].

Ne ferait-elle pas mieux de rappeler que la perte de chance, ce sont les traitements sans fondements scientifiques qui sont promus en dehors de tout cadre médical validé, ce sont les personnes souffrantes qui sont dirigées vers des cliniques privées en Allemagne et aux États-Unis où, moyennant des dizaines ou des centaines de milliers d’euros, elles vont subir un traitement, au mieux sans effet à long terme, au pire dangereux [3] ?

Les pressions, menaces et demandes d’interdiction vont-elle avoir raison de la liberté d’information et de la liberté scientifique ?
Références

[1] Mise en ligne sur Internet par l’hebdomadaire L’Obs : referentiel.nouvelobs.com/file/16666234.pdf

[2] « Maladie de Lyme : et si le scandale était ailleurs ? », dossier, SPS n° 317, juillet 2017. Sur afis.org

[3] « Les “Lyme doctors” : un risque pour les patients », SPS n° 322, octobre 2017. Sur afis.org

[4] « Borréliose de Lyme et autres maladies transmises par les tiques. Pourquoi les sociétés scientifiques et professionnelles refusent de cautionner la recommandation de bonne pratique élaborée par la HAS », Communiqué de presse de l’ensemble des sociétés savantes impliquées dans la prise en charge des maladies transmises par les tiques, 19 juillet 2018. Sur afis.org

[5] « Maladie de Lyme : un courrier du Conseil de l’Ordre de l’Ain met le feu aux poudres », L’Obs, 9 novembre 2018.

[6] « Lyme et maladies transmissibles par les tiques : mise au point », communiqué de presse de la HAS, 12 novembre 2018. Sur has-santé.fr


Thème : Maladie de Lyme

Mots-clés : Médecine

Publié dans le n° 327 de la revue


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L' auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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Maladie de Lyme

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse, non contagieuse, causée par une bactérie (de type Borrelia burgdorferi) transmise à l’Homme par piqûres de tiques infectées. Le consensus scientifique, partagé par l’ensemble des agences sanitaires au niveau international, fait l’objet d’une contestation de la part de certaines associations.