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Opinion et causes de cancers

Publié en ligne le 28 juin 2019 - Causes de cancer -
Cet article est une adaptation par l’auteur d’un texte publié dans Environnement Risque Santé (ERS), la revue de la Société française de santé et environnement [2]. Réutilisation faite avec l’aimable autorisation de la rédaction de ERS.
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La sensibilisation aux causes évitables de cancers fait l’objet de nombreuses actions. Mais que sait-on réellement des croyances et représentations des populations visées ? Une récente enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population anglaise apporte quelques informations intéressantes [1]. Au total, 23 facteurs étaient proposés aux personnes interrogées qui devaient indiquer, pour chacun, leur degré d’accord sur le lien causal avec le cancer. Onze de ces facteurs sont scientifiquement avérés et douze, qualifiés de « mythiques », sont l’objet de croyances, puisqu’il n’existe pas de preuve scientifique associée. Le tabagisme était correctement identifié comme cause de cancer pour 88 % des personnes et le tabagisme passif pour 80 %. Un proche parent atteint de cancer, une situation de surpoids ou avoir reçu plus d’un coup de soleil dans l’enfance l’était par plus de 60 % des personnes interrogées. Mais moins de la moitié des personnes identifiaient correctement le risque, par ordre décroissant, de l’âge (supérieur à 70 ans), d’une consommation d’alcool, d’une consommation de viande rouge ou de viande transformée, ou d’une trop faible activité sportive. Les moins bons scores ont été obtenus pour le risque lié à l’infection par le papillomavirus (30 %) ou celui d’un régime pauvre en fruits et légumes (30 %).

En ce qui concerne les fausses causes de cancers, celles les plus souvent retenues sont le stress (43 %), la consommation d’aliments avec des additifs (42 %), l’exposition aux ondes électromagnétiques (35 %) et la consommation d’aliments contenant des OGM (34 %). Les autres causes perçues comme pouvant causer un cancer sont (pour moins d’un tiers des personnes, par ordre décroissant) : consommer des aliments contenant des édulcorants artificiels, vivre près d’une ligne à haute tension, utiliser un téléphone mobile, utiliser des produits aérosols, avoir subi un traumatisme physique ou utiliser des produits de nettoyage. Les moins associées étant l’utilisation d’un four à microonde (19 %) et consommer des boissons avec un emballage plastique (15 %).

On ne sait si l’on doit avoir une lecture optimiste ou pessimiste de ces résultats. Verre à moitié vide : des causes évitables de cancers, telles que le surpoids, l’infection par le papillomavirus ou la faible consommation de fruits et légumes restent largement ignorées par les sondés ; le stress, les additifs alimentaires, les champs électromagnétiques ou les OGM sont en revanche identifiés à tort comme des cancérigènes (et ces fausses croyances semblent en progression !). Verre à moitié plein : les causes qui ont fait l’objet des efforts d’éducation sanitaire les plus importants, comme le tabagisme actif ou passif, sont aussi celles qui sont le plus souvent correctement identifiées ; un niveau d’éducation plus élevé est associé à un meilleur score dans la reconnaissance des causes réelles comme dans celles du caractère fallacieux des causes « mythiques » proposées (ce qui permet d’espérer qu’il soit possible d’améliorer les performances globales, même si à court terme cela pose un sérieux problème d’inégalité face à la prévention) ; et enfin, les fausses croyances, même si l’on peut craindre qu’elle engendrent inutilement de l’anxiété, ne semblent pas détourner leurs adeptes d’adopter des comportements sains.

Ce dernier point est par ailleurs le corollaire du résultat le plus inattendu, et peut-être le plus intéressant, de cette étude : la population semble moins se diviser en « sachants » et « non-sachants » qu’en « inquiets-actifs », qui croient aux causes (réelles ou mythiques) du cancer et qui adoptent des comportements de prévention, et « négationnistes-fatalistes » qui ont une attitude de déni vis-à-vis de l’ensemble des causes réelles ou mythiques du cancer et qui renoncent à modifier leurs comportements. Cette hypothèse typologique mérite d’être creusée par de futurs travaux. Elle serait cohérente avec ce que l’on sait depuis longtemps sur la distance qui sépare la connaissance et l’adoption de comportements vertueux en termes de prévention sanitaire.

Références

1 | Shahab L et al., “Prevalence of beliefs about actual and mythical causes of cancer and their association with socio-demographic and health-related characteristics : Findings from a cross-sectional survey in England”, European Journal of Cancer, 2018, 103 :308-16.
2 | Nicolle-Mir L, « Enquête sur la connaissance des facteurs de risque réels et mythiques de cancer », Environnement Risque Santé, 2018, 17 :448-50.


Thème : Causes de cancer

Mots-clés : Médecine

Publié dans le n° 327 de la revue


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L' auteur

Georges Salines

Georges Salines est médecin, spécialiste de santé publique et chef du Service parisien de santé environnementale.

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