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Ouest-France et les sourciers

Publié en ligne le 14 septembre 2011 - Pseudo-sciences -
par Yves Mulet-Marquis

Est-ce la sécheresse ou l’absence d’information marquante en période estivale ? Ouest France, édition d’Angers du samedi 27 août, consacre un quart de page à Henri Geslin, sourcier autoproclamé. La signataire de l’article, Claire Bauddifier, ne semble à aucun moment mettre en doute ses affirmations 1, même si elle utilise une fois l’adjectif paranormal, pour tout de suite après se reprendre : « une fois qu’on a vu, on est vraiment scotchés, ébahis ». Henri Geslin a un don, déclare-t-elle d’emblée, ajoutant qu’un tel don, s’il était plus répandu, « pourrait sauver des vies ». Certes, le sourcier avoue parfois faire des erreurs, mais se justifie en affirmant que la source s’est asséchée, mais que de l’eau a coulé sur les pierres dans lesquelles l’eau aurait coulé. Après la mémoire de l’eau, une nouveauté : la mémoire de la pierre.

Encore plus fort. Une carte et un pendule lui suffisent pour identifier les gisements importants. L’influence de l’eau souterraine se ferait donc à distance. Depuis Angers, notre sourcier détecterait-il de l’eau sur une carte du bush australien ? Toujours plus fort, huit points d’eau détectés au Liban. Seul hic : comme les puits n’ont pas été forés, il faut le croire sur parole.

L’article nous apprend également que le conseil général de Vendée aurait fait appel à ses services pour trouver de l’eau sur l’Ile d’Yeu. Si tel était le cas, il faudrait s’interroger sur l’utilisation des fonds publics. Même si le sourcier déclare opérer gratuitement, pour rester « au service des autres » (et nous ne doutons pas de sa bonne foi), il est probable qu’a minima, le voyage ait été financé et que des fonctionnaires aient perdu un temps qu’il aurait été plus profitable d’utiliser à d’autres fins.

Au lieu de céder à la mode de l’irrationnel, la journaliste, dans un souci d’esprit critique, aurait pu citer Eugène Chevreul (1786-1889) chimiste membre de l’Académie des Sciences. Cet autre éminent angevin a conclu que « rien d’extraordinaire n’existait dans les effets du pendule » et que « la vue d’un gazon vert abondant, sur lequel il marche, pourra déterminer en lui [le sourcier] à son insu le mouvement musculaire capable de déranger la baguette » 2. Depuis Chevreul, des études très rigoureuses ont montré que de tels « pouvoirs », au delà de leur absence évidence de plausibilité, n’ont jamais pu être mis en évidence (tests réalisés en faisant circuler de l’eau de façon aléatoire sous une estrade, à l’insu du sourcier.

1 Malheureusement, il semble que la presse quotidienne, qu’elle soit nationale ou régionale, se fasse régulièrement écho de telles allégations. Voir par exemple le journal Le Monde avec la protestation qu’avait adressée l’AFIS, sans réponse : Le « Monde » des sourciers

2 Dans leur livre Devenez sorciers, devenez savants (Odile Jacob, 2002), Georges Charpak et Henri Broch, consacrent une grande partie d’un chapitre aux études d’Eugène Chevreul sur le pendule et sur la baguette du sourcier, ainsi qu’aux expériences sur le « don du sourcier » menées en 2001 à la faculté de Nice (résultat négatif).