Accueil / Notes de lecture / Plantes transgéniques : faits et enjeux

Plantes transgéniques : faits et enjeux

Publié en ligne le 22 octobre 2008
Plantes transgéniques : faits et enjeux

André Gallais & Agnès Ricroch
Éditions QUAE 2007, collection Synthèses, 34 €, 240 mm x 160 mm, 284 pages

La controverse sur les OGM a révélé au grand jour que, si l’agriculture est méconnue, l’agronomie et la problématique de l’amélioration des plantes sont, elles, totalement inconnues du grand public. Pourtant tel est bien un thème central de la recherche agronomique : « la modification de certaines caractéristiques des plantes pour qu’elles répondent de mieux en mieux aux besoins de l’homme ». Dans cette synthèse publiée par les éditions de l’INRA, André Gallais et Agnès Ricroch replacent donc délibérément le développement des plantes transgéniques dans la perspective de l’amélioration des plantes en même temps qu’ils communiquent les bases nécessaires de biologie végétale et d’agronomie pour que le lecteur curieux et féru de science puisse s’approprier le sujet.

Les auteurs sont attachés à l’Institut des Sciences et Industries du Vivant de l’Environnement (AgroParisTech). André Gallais, ingénieur agronome, Docteur ès Sciences, spécialiste de la génétique quantitative et des méthodes d’amélioration des plantes, est membre de l’Académie d’Agriculture. Agnès Ricroch, Docteur ès Sciences, est maître de conférences en génétique évolutive et amélioration des plantes et chercheur au laboratoire d’écologie, systématique et évolution de l’Université Paris Sud.

Après un rappel rafraîchissant et lumineux de clarté des notions de génétique et d’amélioration des plantes, l’ouvrage nous entraîne dans un parcours initiatique (chapitre 2) des méthodes devenues traditionnelles. Nous saisissons ainsi sans effort que le chasseur-cueilleur devenant agriculteur (il y a sept à dix mille ans) en domestiquant les premières plantes, tout comme Pierre Louis François Lévêque de Vilmorin (1816-1860) en fondant l’amélioration des plantes « dirigée », c’est-à-dire en identifiant et sélectionnant des caractéristiques de plantes et en développant de nouvelles variétés déployant les caractéristiques choisies, faisaient, comme Monsieur Jourdain pour la prose,… du génie génétique sans le savoir.

Replacée dans sa perspective historique et technique, la transgénèse apparaît alors comme un nouvel outil à la disposition des sélectionneurs, ouvrant une autre voie que la voie sexuée pour le transfert d’un gène dans le génome d’un organisme. Après un rappel sur le code génétique et le passage de l’ADN du gène à la protéine, les différentes étapes de la transgénèse sont alors exposées (Chapitre 3), du repérage dans un génome donneur du gène à transférer, jusqu’à l’élimination des gènes marqueurs dans l’objectif recherché de « n’introduire que le gène désiré, en une seule copie, là où on veut, pour qu’il s’exprime toujours de la même façon ».

Nous sommes dès lors équipés pour nous poser une première question : « la transgénèse traduit-elle une rupture ou s’inscrit-elle dans la continuité de l’amélioration des plantes » ? Il y a clairement continuité dans les objectifs : il s’agit toujours de créer des génotypes répondant de mieux en mieux aux besoins de l’homme ; il y a clairement aussi, dans une certaine mesure, continuité dans le résultat puisque la transgénèse ouvre la possibilité de réaliser dans un temps raccourci ce qu’on sait déjà faire sans elle (par exemple, en mettant directement le bon allèle au bon endroit plutôt que de « ruser » avec les rétrocroisements, en réussissant ainsi en une seule opération « in vitro » ce qui nécessiterait au moins huit ans par la voie sexuée) ; il y a néanmoins tout aussi clairement rupture puisque, pour parler comme les essentialistes, la transgénèse permet de rapprocher ce que « la nature » a séparé en s’affranchissant grâce à la voie in vitro de la barrière des espèces que la voie sexuée ne permet qu’exceptionnellement de franchir ; il ne s’agit néanmoins pas d’une révolution pour autant car, si la transgénèse offre des raccourcis temporels ou des possibilités nouvelles à l’échelle des gènes individuels, les méthodes du génie génétique par sélection conventionnelle restent les seules adaptées, éventuellement en complément des autres méthodes, aux complexes polygéniques.

Alain Gallais et Agnès Ricroch développent ensuite, avec de nombreux exemples, ce qu’apporte ou peut apporter la transgénèse en fonction de l’objectif poursuivi (Chapitre 4) : pour l’agriculteur et une agriculture durable, pour le consommateur, pour la santé, pour l’alimentation animale, pour l’industrie, pour les pays en voie de développement. Le chapitre 5 explore alors les risques associés qu’il s’agit d’évaluer (sanitaires, environnementaux) ainsi que la question des impacts socio-économiques puis conclut, ce qui ne surprendra pas nos lecteurs, qu’« il apparaît qu’il est impossible de juger globalement les plantes transgéniques. Pour chaque type de plantes transgéniques, le bilan bénéfices/risques doit être considéré : certaines plantes transgéniques ne présentent aucun risque et ont un intérêt alors que la prudence s’impose pour d’autres malgré leurs avantages. Il n’existe pas un risque intrinsèque lié aux plantes transgéniques, et l’incertitude n’existe pas dans tous les cas. » (p. 187) Le chapitre 6 explicite enfin comment le développement des plantes transgéniques est actuellement encadré et comment, en conséquence, les risques pour la santé et l’environnement, lorsqu’ils existent ou sont supposés pouvoir exister, peuvent être traités de façon réglementaire.

Après avoir traité la question du libre choix du consommateur, et donc les enjeux techniques et économiques, pour l’agriculteur comme pour la société, d’une séparation plus ou moins étanche entre les filières, les auteurs évoquent alors les dimensions sociales, politiques, voire éthiques, du débat public sur les plantes transgéniques (chapitre 7). Ce faisant ils quittent le champ de l’expertise scientifique et ils annoncent bien qu’ils n’ont pas, en la matière, d’autre ambition que de donner un point de vue « de biologistes, agronomes et généticiens à l’écoute de la société ». Les auteurs développent donc leur diagnostic personnel de la querelle et plaident pour le développement de « la démocratie participative » ; le rédacteur de ces lignes se permettra donc, sur ce terrain qui n’est décidément plus scientifique mais politique, de faire état qu’il ne partage pas ces options conclusives.

Le livre d’André Gallais et Agnès Ricroch a pleinement rempli l’objectif affiché dès son titre : réaliser une synthèse scientifique des faits et des enjeux relatifs aux plantes transgéniques. La lecture de l’ouvrage, qu’il conviendrait de recommander particulièrement aux enseignants de biologie du secondaire, est facilitée par une écriture agréable, et soutenue par des encadrés et figures. Glossaire, références bibliographiques (19 pages !), dictionnaire des abréviations et index le complètent utilement. Il nous sera néanmoins permis de regretter que les éditions Quae (Cemagref, Cirad, Ifremer, Inra) persistent à proposer des livres à un niveau de prix (ici 34 euros) qui ne permet pas une diffusion à la hauteur de ce qui serait à la fois nécessaire et mérité pour un livre comme celui-ci.


Mots clé associés à cet article

Cet article appartient au sujet : OGM et biotechnologies

Autres mots clés associés : OGM