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Pourquoi avons-nous peur de la technologie ?

Publié en ligne le 12 décembre 2008
Pourquoi avons-nous peur de la technologie ?

Daniel Boy
Presses Sciences-Po, 2007, 198 pages, 20 €

Militants de l’AFIS, lecteurs de Science et pseudo-sciences, rationalistes de tout poil… nous avons souvent la désagréable impression que nos démonstrations ne « portent » pas, en dépit de la rigueur de nos raisonnements, de la solidité de nos informations et de la clarté de notre discours. Dans le meilleur des cas, nos interlocuteurs nous écoutent – mais nous sentons bien qu’ils ne sont pas convaincus et qu’ils continueront à craindre d’avoir un enfant à deux têtes s’ils habitent au voisinage d’une centrale nucléaire ou à redouter la présence d’OGM dans les produits alimentaires. Comme nous ne voulons pas croire à la stupidité du public, nous accusons la presse, les médias, le pouvoir politique de désinformation, d’alarmisme et de lâcheté politique. Accusations souvent justifiées, sans doute, mais suffisent-elles à tout expliquer ?

C’est là que le petit livre de Daniel Boy, membre du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, s’avère très salutaire. Faisant appel à une importante documentation, il déploie une approche sociologique pour comprendre pourquoi, trop souvent, notre message ne passe pas. Le thème du rejet des innovations techniques a suscité moult études dans le champ de la sociologie et de la psychologie, et Daniel Boy synthétise ces résultats de manière très claire, démolissant au passage quelques lieux communs auxquels nous faisons trop facilement appel : « Le public est irrationnel », « Nos adversaires sont des ignorants », « Haro sur les médias »… Il explicite notamment (toujours en s’appuyant sur de nombreux travaux scientifiques) les composantes de la perception du risque, les rapports entre cette perception et les catégories socioprofessionnelles, la tension entre experts et profanes, et analyse la question essentielle de la confiance : qu’est-ce que la confiance, comment se mérite-t-elle, comment peut-on parfois la perdre très rapidement ? Il termine ce livre très riche en éclairant les différences entre communication, transparence et débat et en donnant quelques pistes pour que ces « exercices démocratiques » ne restent pas formels.

Cet ouvrage n’est cependant pas un manuel du parfait communicateur techno-scientifique, mais plutôt une réflexion intelligente sur les raisons pour lesquelles ces débats tournent si souvent au dialogue de sourds. Inutile de dire que nous (les rationalistes) en prenons souvent pour notre grade : même si l’auteur est, au fond, très proche de nos positions, il ne manque pas de pointer nos erreurs, notre arrogance parfois, notre difficulté à prendre en compte le vécu de nos interlocuteurs et les motivations profondes de leur attitude. Encore une fois, une lecture très salutaire, chaudement recommandée à tous ceux qui s’intéressent à l’interface entre science, technologie et société.