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Un monde fou, fou, fou : mai 2003

Publié en ligne le 19 août 2008 - Rationalisme -

Fantasmes raëliens (suite)

Un communiqué de l’AFP diffusé à la veille du début de conflit en Irak 1– est-ce un hasard ? –, nous apprenait que Brigitte Boisselier, présidente de Clonaid et éminence de la secte des raéliens en matière de clonage humain, était en visite à Tel-Aviv. Elle y a déclaré qu’elle allait proposer à des familles israéliennes et palestiniennes de « ressusciter » par cette technique leurs proches, victimes de violences lors des conflits sans fin qui continuent d’ensanglanter le Moyen-Orient. Après le tapage médiatique 2 de décembre dernier, autour de l’annonce du premier enfant de notre espèce prétendument cloné, la petite Eve 3, la nébuleuse sectaire franchit sans vergogne un nouveau pas dans l’escalade sensationnaliste de l’exploitation du désarroi humain. Elle avait d’ailleurs déjà annoncé, sans plus de preuves, la naissance de quatre autres enfants par cette technique qu’elle prétend maîtriser.

Clonaid et la secte des Raëliens, PME du créneau sectaire à côté des multinationales que peuvent être Moon ou la Scientologie, poursuivent donc à peu de frais leur rentable campagne publicitaire, relayée – et ainsi indirectement quasi sponsorisée – par les médias avides de déclarations toujours plus fracassantes, sur leur fantasme délirant de vouloir imposer le clonage humain. Lors de cette annonce, B. Boisselier a prétendu qu’une cinquantaine de familles l’auraient déj à contactée.

Propos bien entendu invérifiables, surtout destinés à lancer le processus pour attirer les familles éplorées, en jouant de la façon la plus immonde sur leur souffrance et leur crédulité, dans le but probable de monnayer à bon prix ce service inespéré. Notre grande prêtresse de cette « résurrection » a affirmé qu’elle espérait pouvoir répondre à la moitié des demandes reçues. En jouant ainsi sur l’incapacité à satisfaire la demande, elle ne peut qu’entraîner les plus affectivement touchés à se précipiter vers ce recours providentiel, afin de ne pas voir l’avion quitter le sol avant qu’ils aient pu embarquer.

Elle banalise aussi de cette façon l’idée de la possibilité de cloner notre espèce, en donnant l’impression, mais subtilement, sans le dire expressément, qu’il s’agit d’une technique maîtrisée, presque banale, et en passe « d’industrialisation » à grande échelle.

Est-il besoin d’ajouter que, même si le clonage était techniquement réalisable, la « résurrection » des disparus par ce système de reproduction à partir d’une seule de leur cellule conservée resterait un leurre ignoble dupant l’espoir insensé des proches de retrouver un être cher ? On ne créerait tout au mieux de cette façon qu’une copie de l’enveloppe physique des personnes, mais en aucun cas on ne reconstituerait leur personnalité, leur vécu, leurs idées, leurs sentiments, etc. bref, l’unicité de leur être, acquise au cours de leurs années de vie, trop tôt interrompue, souvent dramatiquement.

Mensonges éhontés à tous les niveaux, battages médiatiques sans scrupules, alors pourquoi relayer une telle information ? Parce qu’il nous semble nécessaire de dénoncer, quoi qu’il en soit et quoi qu’il en coûte, l’usurpation malfaisante qu’elle constitue. La liste en est longue : usurpation des résultats et progrès des recherches scientifiques ainsi que des capacités de celles-ci à satisfaire des espoirs et fantasmes insensés, enfin, prétention fallacieuse de domination des forces et processus naturels, incroyablement complexes, aux sources de la vie humaine. Un détournement de ce qui fonde l’activité de la communauté scientifique, qui, elle, fait au contraire preuve d’humilité dans la reconnaissance de ses capacités à comprendre et maîtriser le monde et les aspects qu’elle en étudie – elle nous rappelle ainsi souvent le champ de non-connaissance qui s’étend encore devant elle à mesure qu’elle progresse. Une insulte à l’éthique, à l’humanisme, à la dignité, aux Droits de l’Homme…, bref, à l’intelligence humaine tout simplement.

J.-P. Th.

Les cuillères se tordent de rire chez Ruquier

Vendredi 4 avril 2003, sur F2, Laurent Ruquier reçoit Uri Geller sur le plateau de « On a tout essayé ».

Alors que Ruquier avait plutôt l’air de jouer, comme d’habitude, la complaisance, son équipe n’a pas suivi et s’est ruée sur les critiques, les jeux de mots et les accusations.

A Ruquier qui lui demande s’il exerce encore ses pouvoirs de télékinésie, Uri Geller répond que non, plus vraiment, car maintenant, il pratique « la pensée positive, c’est-à-dire la télépathie. »

Après quelques plaisanteries d’Isabelle Mergaud, qui mettent le plateau en joie, c’est Monsieur Bénichou qui poursuit l’attaque en expliquant que la « pensée positive » n’a rien à voir avec le paranormal, et que ce serait même plutôt le contraire…

Malgré une équipe soudée dans le scepticisme, unie dans la franche rigolade face à des inepties qu’un enfant ne croirait pas, Geller ne s’est pas démonté et s’est payé de mépris pour le public en prétendant lui révéler son secret :
« Prenez une cuillère en plastique, peignez-la en argenté puis passez votre briquet dessous…elle se tord. Ce n’est pas plus difficile que ça ! »

On ne rit plus. Avec cynisme, Uri Geller montre que jusqu’au bout il tiendra le public pour une immense foule de fieffés imbéciles.

Conscience globale : une onde sur les ondes

Europe1, dimanche 2 mars, 10h 15. Thème de l’émission : la conscience globale. Marc Menant reçoit, entre autres, un journaliste indépendant, Marc Layet, spécialisé dans les nouvelles technologies.

Une certaine conscience collective, lors de grands événements provoquant l’émotion, influencerait un détecteur, l’Egg, qui débite des chiffres au hasard 4.

Faisant montre d’une incompétence étonnante, Marc Layet affirme, que les Eggs, inclus aux Générateurs Numériques Aléatoires, ou GNA, sont blindés et donc insensibles à toute autre onde que celle de nos esprits.

Et Marc Menant d’ajouter :

« La télépathie pénètre donc mieux les générateurs aléatoires que les champs électromagnétiques. »

Layet acquiesce et signale même que ces générateurs sont utilisés par la science, et en particulier l’astrophysique, qui a besoin de barrages forts pour ses études de particules venues de l’espace.

Ignorerait-il que pour protéger les détecteurs de toute perturbation électromagnétique, les astrophysiciens sont obligés de les enterrer au fond des mines ou des tunnels ? C’est ainsi qu’en éliminant tout flux de particules, ils récupèrent au compte-goutte, et peuvent ainsi étudier, les seules qui proviennent du Soleil et traversent toute matière sans exception : les neutrinos.

Discours onirique

«  Il est probable que vous ne terminerez pas l’année comme vous l’avez commencée : ni dans le même état d’esprit, ni dans la même situation. », voilà ce qu’on peut lire pour les Taureaux dans le numéro 2221 de Télé Sept Jours 5, qui présente, sous l’ordinateur d’Élisabeth Teissier, les horoscopes pour 2003, signe par signe, et bien sûr, avec la photo d’une star du même signe que vous. Votre caractère et votre destin sont ainsi comparés et identifiés à celui des plus grands de ce monde. Une image de rêve, un discours onirique, le tour est joué, et l’intérêt vers l’astrologie se trouve propulsé, via le délire planétaire.

Sur douze signes égrenés, on trouve dix neuf fois le nom de Jupiter et dix neuf fois le nom de Saturne. Je n’ai relevé que les planètes les plus importantes du système solaire. Elles sont dotées par Mme Teissier de pouvoirs si humanisés que ça devient presque touchant.

Pour exemples, sachez que Jupiter va réactualiser, conjuguer, rappeler, baliser et aplanir, faire briller, et sans doute aussi donner un coup de pouce, inaugurer, promettre et apporter des solutions…

Quant à Saturne, je le trouve plus ferme. Quel caractère ! il va installer un climat rassurant, vous pousser à (à quoi ?, mais lisez votre horoscope !), stabiliser, approfondir, imposer, vous donner envie, mais aussi consolider, inviter, convier, appâter, et bien sûr comme sa grande sœur Jupiter, promettre, encore promettre, maître mot de l’astrologie.

Distorsions temporelles chez Élisabeth Teissier

Outre le discours lénifiant et infantilisant qu’on trouve dans les horoscopes du n° 2221 de Télé Sept Jours 6, on y repère des choses bizarres, une sorte de mécanique céleste à la mode Teissier, dans un langage mystique et vague. L’horoscope des Cancers annonce par exemple « Le point fort de l’année sera le passage de Saturne, d’une fréquence remarquable de trente ans : un cycle s’achève, un autre recommence, et c’est au cours de l’été que se situe le passage…et jusqu’en 2004. »

Tout curieux va naïvement demander : « De quel passage s’agit-il ?. Saturne passe où ? » La réponse est un peu plus loin, si on a pris la peine de décrypter la langue ésotérique propre aux astrologues, « passage » employé seul ne signifiant strictement rien. Mais puisqu’il est question d’une fréquence de trente ans, on en déduit qu’il s’agit de sa révolution sidérale. Celle-ci est l’intervalle de temps qui sépare deux passages successifs d’une planète en un point de son orbite d’une direction donnée par rapport aux étoiles lointaines. La période de révolution sidérale de Saturne est en effet de trente ans.

Mais en consultant les éphémérides astronomiques, on apprend que Saturne passe derrière le Soleil le 24 juin (en plein horoscope des Cancers justement !). Saturne sera donc à cette date en conjonction avec le Soleil, c’est-à-dire invisible depuis la Terre et formant un alignement Saturne-Soleil-Terre.

Cette situation est le résultat de sa révolution synodique (1 an et 4 jours) et non sidérale (30 ans). La révolution synodique est en effet la période qui s’écoule entre deux passages successifs d’une planète dans une position déterminée par rapport au Soleil et à la Terre (conjonction). Saturne est en conjonction solaire tous les 169 jours..

D’autre part elle prétend que ce passage durera jusqu’en 2004 (c’est au cours de l’été que se situe le passage…et jusqu’en 2004). Or Saturne n’est pas si longue à passer derrière le Soleil puisqu’on la retrouve dans le ciel, depuis la Terre, dès la mi-juillet 2003, c’est-à-dire trois semaines après. Notre astrologue réussit le tour de force de mélanger, au sein de la même phrase, deux révolutions différentes, et de vous emmener dans un manège qui ne sait même pas s’il tourne en trente ans ou en un an !

Mais ce n’est pas tout, elle s’enfonce dans l’erreur quelques mois plus tard, dans l’horoscope des Capricornes où elle annonce « Saturne arrivant à mi-course de son cycle,… »

Eh oui ! cette fois-ci elle a opté pour la période de révolution synodique ! Puisque entre l’horoscope des Cancers de juin-juillet et celui des Capricornes de décembre-janvier, il s’écoule 6 mois, la moitié de son trajet vers sa prochaine conjonction solaire.

Teissier n’utilise jamais les mots précis qui risqueraient de démontrer son incompétence. En employant « passage » et « cycle », elle élude les positions, les révolutions, trop ponctuelles, et choisit la mouvance d’un langage qui ne pourra jamais être faux puisqu’il ne veut jamais rien dire.

Élisabeth Teissier continue donc de montrer qu’elle n’a peur de rien, ni du ridicule d’attribuer des pouvoirs à des objets inertes, ni de celui de jongler avec la mécanique céleste à sa guise, se riant des distorsions temporelles et spatiales qu’elle provoque.

Ont contribué à cette rubrique : Agnès Lenoire et Jean-Pierre Thomas.

1 http://fr.news.yahoo.com/030317/202/33m3e.html, daté du 17 mars 2003, 8 h 24 (disponible sur archive.org—19 mars 2020).

2 Toujours non fondé à l’heure où nous rédigeons ces lignes, et qui le semble de plus en plus à mesure que le temps passe.

3 Sur cette annonce et les réflexions qu’elle inspire, voir l’éditorial de Bertrand Jordan, dans SPS, n° 256 de mars 2003.

4 Installé dans une pièce où des personnes parlent, chantent, jouent, l’Egg montrerait que le jeu aléatoire est quelque peu modifié par les esprits qui s’échauffent, et le graphique de son écran passerait de la platitude aux courbes qui ondulent…
Sources : http://noosphere.princeton.edu/.

5 Semaine du 21 au 27 décembre 2002.

6 Semaine du 21 au 27 décembre 2002.