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Une révolution dans nos unités

Publié en ligne le 29 mai 2017 - Vulgarisation scientifique -

Le Bureau international des poids et mesures (BIPM) a été créé en 1875. Sa mission était d’assurer l’établissement du Système Métrique en construisant et en conservant les prototypes du mètre et du kilogramme, en comparant les étalons nationaux à ces prototypes, et en perfectionnant les procédés de mesure. Par la suite, sa mission s’est étendue à toutes les unités de mesures constituant le Système International d’Unités (SI) adopté en 1960 par la Conférence générale des poids et mesures. Actuellement, 58 États en sont membres (y compris le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique 1) et 41 associés. L’explosion des échanges à l’échelle mondiale rend évidente la nécessité d’un système d’unités unifié. Celle-ci est apparue clairement le 23 septembre 1999 quand la mise en orbite de Climate Orbiter autour de Mars échoua par suite d’un malentendu entre les équipes de la Nasa et celle du constructeur, les premières utilisant le SI et l’autre des pouces (inches).

Mètre étalon (l’un des seize réalisés par Chalgrin entre 1796 et 1797) situé au 36, rue de Vaugirard à Paris.
LPLT / Wikimedia Commons

À l’heure actuelle, le SI est fondé sur un choix de sept grandeurs de base considérées par convention comme indépendantes. Ce sont, avec les unités correspondantes :

  • le temps et la seconde (symbole s),
  • la longueur et le mètre (m),
  • la masse et le kilogramme (kg),
  • le courant électrique et l’ampère (A),
  • la température thermodynamique (ou absolue) et le kelvin (K),
  • la quantité de matière et la mole (mol),
  • l’intensité lumineuse et la candela (cd).

Les progrès des techniques amènent le BIPM à modifier constamment méthodes et définitions. Depuis 1967, la seconde, précédemment définie à partir de la durée de rotation de la Terre sur elle-même, puis de celle de sa révolution autour du Soleil, est définie à partir de la durée d’un certain nombre de périodes de la radiation causée par la transition entre deux niveaux de l’état fondamental de l’atome de césium (on note ΔνCs la fréquence correspondante).

La barre de l’alliage de platine-iridium utilisée comme étalon du mètre de 1889 à 1960.
Crédit : www.nist.gov

En 1960, le mètre, défini en 1889 comme la distance entre deux points d’une barre en platine iridié, l’a été à partir de la longueur d’onde d’une radiation de l’atome de krypton. En 1983, il est redéfini à partir de la vitesse de la lumière dans le vide (constante notée c).

Mais le kilogramme reste défini par la masse du prototype en platine iridié déposée au BIPM 2. L’ampère est défini à partir d’une force, la candela à partir d’un rayonnement de fréquence et d’intensité énergétique par stéradian 3 données, la mole à partir du nombre d’atomes contenus dans une masse donnée de carbone 12. Enfin le kelvin est défini à partir de la température du point triple 4 de l’eau.

La dématérialisation des deux premières unités a été rendue possible par les progrès de la technologie nécessaire pour passer de la microphysique à l’application pratique. Elle va se poursuivre en principe en 2018. Une des propositions envisagées est de définir les nouvelles unités en s’appuyant sur des constantes de la nature. Le SI deviendrait le système d’unités selon lequel :

  • le hertz (Hz), inverse de la seconde, et le mètre restent définis de la même façon 5 ;
  • le joule (J) est tel que la constante de Planck (notée h) soit égale 6 à exactement 6,626 06X × 10–34 J.s ;
  • le coulomb (C) est tel que la charge élémentaire e soit égale à exactement 1,602 17X × 10–19 C ;
  • le kelvin (K) est tel que la constante de Boltzmann kB soit égale à exactement 1,380 6X × 10–23 J.K–1 ;
  • la mole (mol) est telle que la constante d’Avogadro NA soit égale à exactement 6,022 14X × 1023 mol–1 ;
  • le lumen (lm) est tel que l’efficacité lumineuse Kcd d’un rayonnement monochromatique de fréquence 540 × 1012 Hz soit égale à exactement 683 lm.J–1.s ;
  • à partir de ces définitions le kilogramme (kg) est ainsi défini comme un multiple de hΔνCs/c².

Évidemment rien ne changera en dehors des laboratoires.

1 Pays où, dans la pratique, on continue à utiliser les anciennes unités anglaises.

2 Ces étalons matériels sont perturbés lors de toute manipulation, de comparaison par exemple. On estime à 1 µg/an la contamination réversible de l’étalon de masse.

3 Le stéradian est l’unité d’angle solide, celui d’un cône qui, ayant son sommet au centre d’une sphère, découpe sur la surface de celle-ci une aire égale à celle d’un carré ayant pour côté le rayon de la sphère.

4 Le point triple de l’eau correspond au couple (pression, température) unique où les trois phases (solide, liquide, vapeur) coexistent.

5 Avec des valeurs fixes pour la vitesse de la lumière (c) et la fréquence de la radiation du césium 133 (ΔνCs).

6 Le symbole X correspond à un ou plusieurs chiffres qui pourront être ajoutés en fonction des progrès techniques.


Publié dans le n° 319 de la revue


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L' auteur

Georges Jobert

Georges Jobert est géophysicien et professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie. Il a été directeur (...)

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