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Vaccins : pourquoi ils sont indispensables

Publié en ligne le 21 octobre 2017
Vaccins
Pourquoi ils sont indispensables

Philippe Sansonetti
Odile Jacob, 2017, 224 pages, 21,90 €

Combien de morts faudra-t-il pour que le courant anti-vaccination actuel perde de sa force ? C’est, en filigrane, la question que pose le livre de Philippe Sansonetti, spécialiste des vaccins, professeur à l’Institut Pasteur et au Collège de France. Ce n’est pas un pamphlet, mais plutôt une piqûre de rappel. Les vaccins constituent un progrès de santé publique extraordinaire. Ils relèvent d’une politique globale et non d’une préférence individuelle. La vaccination doit être massive pour avoir un sens. Rien n’est acquis. Avec beaucoup d’à-propos, Philippe Sansonetti rappelle que des maladies « disparues » se trouvent en réalité à nos portes. La diphtérie a réapparu en Ukraine après l’effondrement du bloc de l’Est. « Kiev-Paris, 2h30 d’avion » (p. 178). Un monde sans vaccin desservi par des milliers de vols internationaux est inimaginable. Pendant l’hiver 1954-1955, raconte Philippe Sansonetti, la variole, présumée disparue depuis des décennies, a tué seize personnes dans le Morbihan ! Un soldat de retour d’Indochine avait rapporté de Saïgon « de la soie probablement contaminée » (p. 34).

Le plus surprenant, en définitive, est que le Pr Sansonetti se trouve obligé de rappeler l’évidence. On ne peut pas attendre beaucoup de discernement chez les talibans qui assassinent les personnels chargés de la vaccination au Pakistan, parce qu’ils ont décidé que « le vaccin polio était dangereux pour la santé » (p. 104), contenait du porc et participait à un vaste complot de l’Occident pour stériliser les femmes des pays musulmans (quinze morts dans un attentat suicide contre un centre anti-polio en janvier 2016 à Quetta). Mais dans les pays développés ? En France, patrie de Pasteur ? Philippe Sansonetti passe en revue les arguments des anti-vaccins, chapitre 9 (« De la confiance à la défiance »). Ils ne sont pas inexistants. Indéniablement, certains sujets réagissent mal. Des campagnes mal menées ont conduit au désastre, comme en Égypte dans les années 1960 (p. 80). La réutilisation des seringues et des aiguilles sans stérilisation avait propagé l’hépatite C parmi les populations que les autorités entendaient protéger contre la bilharziose.

En termes de bilan avantages/inconvénients, néanmoins, la balance penche indiscutablement en faveur des politiques de vaccination. Les bases scientifiques qui fondent leur remise en cause sont d’une pauvreté accablante, quand elles ne relèvent pas de la fraude pure et simple – Philippe Sansonetti revient sur l’affaire Wakefield (p. 65). Ne pas se faire vacciner dans un pays où la majorité de la population le fait est certes un calcul rationnel, mais l’égoïsme atteint tôt ou tard ses limites. Pour éliminer la rougeole, il faut « 95 % de taux de couverture vaccinale » (p. 180). La Californie, où la mode anti-vaccin a connu un grand succès, est passée en dessous de ce seuil. Disparue dans les années 1990, la rougeole y a fait sa réapparition en 2014 et semble « hors de contrôle » (p. 180). Mi-2016, sans doute au moment où Philippe Sansonetti achevait son livre, l’État de Californie a édicté une loi rendant le vaccin contre la rougeole obligatoire pour les enfants scolarisés. Faudra-t-il en venir là en France ? Philippe Sansonetti ne le dit pas, mais on peut le penser.