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Nanotechnologies

La microélectronique : une révolution (presque) achevée ?

Publié en ligne le 1er mars 2013 - Technologie -
par Jean-Louis Pautrat

La réduction de la taille des composants électroniques qui s’est poursuivie régulièrement pendant plus de 40 ans a permis de fabriquer des composants de plus en plus complexes et de moins en moins chers. Ces composants sont devenus les processeurs et les mémoires de nos ordinateurs, téléphones, baladeurs qui se sont imposés au cours des dernières décennies du vingtième siècle. La microélectronique et la microinformatique se sont imposées quasiment partout, y compris dans de nombreux domaines où on ne les attendait pas forcément (les jeux pour les tout-petits par exemple). Bien plus, des domaines complètement nouveaux ont été créés dans le sillage de cette électronique puissante et bon marché : les jeux électroniques, les télécommunications et internet pour ne citer que ceux correspondant aux marchés les plus massifs. Il est clair que les deux derniers cités sont devenus des facteurs majeurs de transformation de la vie sociale (communication, accès à la culture, transformation du maillage social...).

La première décennie du vingt et unième siècle nous a déjà montré que cette révolution microélectronique n’était pas encore en voie d’essoufflement : téléphones de nouvelle génération, livre électronique, géolocalisation... Cette évolution est en rapport avec la poursuite de la réduction de la taille des composants et l’accroissement de leur complexité. Nous sommes en effet en train de passer de la micro à la nano-électronique. Mais jusqu’où la réduction de taille des composants va-t-elle se poursuivre ? Les plus petites dimensions réalisées actuellement sont autour de 28 nm et on sait, depuis longtemps, qu’un mur « infranchissable » va bloquer la réduction des dimensions. En effet, autour de 10 nm les conditions de fonctionnement des composants électroniques vont se trouver sérieusement affectées : la discontinuité de la matière ne peut plus être ignorée puisque la taille d’un atome c’est 0,3 nm environ. Les électrons mis en jeu dans un transistor ne sont plus en grand nombre. Les lois statistiques qui gouvernent le transport diffusif des électrons ne sont alors plus adaptées puisque certains électrons peuvent passer d’une électrode à l’autre sans subir aucune collision tandis que d’autres ne passeront pas du tout. Des phénomènes d’interférences quantiques ou de bruit peuvent apparaître. On a même imaginé et commencé à développer des transistors dont le fonctionnement reposerait sur le transfert d’un seul électron. Ces problèmes s’ajoutant au fait que les difficultés de fabrication s’accroissent quand la taille diminue, la nanoélectronique va bientôt se trouver au pied d’un « mur » difficilement franchissable.

Cela signifie-t-il que dans 3 ou 4 ans la microélectronique va se trouver figée et ne pourra plus progresser dans tous ces domaines où elle s’est illustrée : complexité, fiabilité et réduction des coûts ? Bien sûr que non. La taille ultime des composants n’est pas tout : les mémoires ont encore des marges de progression (mémoires magnétiques notamment), la communication interne au processeur peut également progresser. De plus, l’essentiel de la compacité des circuits électroniques a été obtenu en concentrant tous les composants dans un seul plan, la surface du cristal de silicium. La mise au point de techniques d’empilement à 3 dimensions permettrait de concentrer encore plus de circuits dans un même boîtier. Enfin, des éléments annexes mais non négligeables, comme la consommation d’énergie, doivent impérativement s’améliorer, sinon comment concentrer plus d’électronique dans un petit volume ?

Par ailleurs, on peut prévoir l’arrivée à maturité de nouvelles solutions de traitement de l’information qui, jusqu’à présent, n’ont pu aboutir : le traitement tout optique de l’information (nouvelles fibres optiques, etc.), par exemple.

Quoi qu’il en soit, la microélectronique silicium va certainement atteindre une butée, un optimum qui résultera à la fois des difficultés techniques de toute nouvelle amélioration et du renchérissement des circuits que celle-ci entraînerait. Ensuite, on imagine que la nouvelle phase consistera à entrer dans l’électronique moléculaire. L’élément actif, le transistor, serait alors remplacé par une seule molécule connectée par des fils moléculaires. Imaginée de longue date, cette nouvelle séquence n’approche que lentement. Toutefois, il existe déjà des circuits d’électronique organique, des afficheurs à OLED (Organic Light Emitting Diode). Des prototypes de mémoire dans lesquels le siège de l’effet mémoire est une molécule unique ont déjà été fabriqués. Le jour où ces composants moléculaires seront au point, la miniaturisation fera encore un saut considérable. La microélectronique puissante et bon marché a encore de beaux jours devant elle. La révolution de la nanoélectronique est sans doute loin d’être achevée.