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Le vivant

Publié en ligne le 19 avril 2021
Le vivant

La singularité et l’universel

Gilbert Lechermeier

Éditions Matériologiques, coll. Sciences & philosophie, 2019, 370 pages, 26 €

Le vivant, si familier, reste pourtant bien étrange : aucune définition à ce jour n’arrive à en cerner toutes les subtilités 1. L’auteur, ingénieur chimiste et docteur en philosophie, propose dans cet ouvrage dense un état des lieux tant scientifique que philosophique sur la question.

L’enjeu est précisé dans l’introduction : « Ce qui se joue dans l’approche du vivant, au détour des questions définitionnelles, c’est de pouvoir saisir dans le même geste théorique, à la fois la création et la persistance de cette structure matérielle particulière. […] L’absence de définition univoque commune à toutes les disciplines scientifiques est assez révélatrice des problèmes posés par l’absence d’une théorie fondamentale de la vie ou du vivant. »

L’ouvrage repose sur trois parties :

  1. un tour d’horizon scientifique de la pluralité des définitions et théories de la vie,
  2. une perspective historique sur l’évolution des principales conceptions philosophiques occidentales de la vie,
  3. et enfin un exposé détaillé de trois modèles théoriques du vivant cherchant à en saisir sa spécificité.

Dans la première partie, l’auteur rend compte fidèlement des enjeux contemporains et des difficultés à s’accorder sur une conception consensuelle du vivant. Il révèle, à travers la diversité des domaines de recherche ayant la vie comme objet (exobiologie 2, vie artificielle, origine de la vie, biologie synthétique et théorique), la pluralité des définitions et théories du vivant. Il en dresse une typologie intéressante autour de notions comme l’organisation, l’évolution, l’information et l’émergence.

La deuxième partie dessine une synthèse historique des traditions philosophiques portant sur la recherche de l’essence même de la vie. Elle se conclut par un tableau synthétique regroupant les thèmes ayant permis « d’organiser la compréhension de ce monde que l’on qualifie de vivant ». Ces thèmes « constituent des sortes de points de départ, des préconceptions nécessaires à l’engagement […] des démarches scientifiques dans les sciences de la vie ».

La troisième partie constitue probablement la plus grande valeur ajoutée de l’ouvrage. Pour tenter de dépasser les impasses définitionnelles sous la forme de listes, des chercheurs ont dressé des modèles théoriques pour formaliser le processus fondamental de la vie. Ainsi l’auteur détaille et compare le modèle MR (Metabolism-Repair) de Rosen, le chemoton de Gánti et les modèles darwiniens tels que les hypercycles d’Eigen. La partie se clôt de nouveau sur un tableau récapitulatif présentant transversalement les apports théoriques et les perspectives explicatives de chaque modèle.

Ce livre regorge de références et de développements qui pourront satisfaire tous ceux qui cherchent à approfondir leur réflexion sur ce qu’est la vie. Cependant la densité, le style d’écriture et le vocabulaire technique le rendent difficile à lire, surtout sans une connaissance préalable des thématiques abordées. Pour faciliter la prise en main, nous conseillons au lecteur de ne pas nécessairement lire l’ouvrage dans l’ordre de son exposé, mais plutôt de le considérer comme un manuel de référence. Il pourra tirer profit du plan minutieusement détaillé pour s’orienter à sa guise vers les parties, relativement indépendantes les unes des autres, qui retiendront sa curiosité. Le développement formel mathématique de certains modèles pourra satisfaire les plus tenaces mais pourra aussi bien être laissé de côté sans rater les principaux messages. Pour ceux qui rechercheraient une lecture introductive plus accessible, nous ne pouvons que conseiller Infravie, Le vivant sans frontière 3 de Thomas Heams (2019) aux éditions du Seuil.

1 Voir par exemple, le billet de blog de Cyrille Jeancolas, « La vie… c’est quoi ? ». Blog Un œil sur le monde, de l’association WAX science (wax-sciences.fr)

2 Selon la Société française d’exobiologie, « l’exobiologie (ou astrobiologie) a pour objet l’étude de la vie dans l’Univers. Plus précisément, elle inclut l’étude des conditions et des processus qui ont permis l’émergence du vivant sur notre planète, et ont pu ou pourraient le permettre ailleurs, l’étude de l’évolution de la matière organique vers des structures complexes dans l’Univers, et les recherches qui concernent la distribution de la vie sous toutes les formes qu’elle pourrait revêtir, et son évolution. »

3 Voir la note de lecture correspondante : https://www.afis.org/Infravies


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Publié dans le n° 338 de la revue


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Les auteurs de la note

Valentin Bellée

Professeur des écoles.

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Cyrille Jeancolas

Ingénieur diplômé d’AgroParisTech, Cyrille Jeancolas (...)

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