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Pourquoi E = m c2

Publié en ligne le 9 avril 2022
Pourquoi E = m c2
Alain Riazuelo
HumenSciences, 2021, 470 pages, 18 €

La formule physique qui sert de titre à l’ouvrage est sans doute la plus universellement connue. Même si peu de gens la comprennent vraiment, beaucoup savent qu’elle émane d’un physicien rendu particulièrement célèbre par l’élaboration de sa théorie de la relativité : Albert Einstein.

Puisque cette formule met en relation l’énergie et la masse avec la vitesse de la lumière, le livre débute tout naturellement par un questionnement sur la lumière.

Quelle est sa vitesse ? Ole Christensen Romer (1644-1710), suite à l’observation d’anomalies dans le mouvement des satellites de Jupiter, put en calculer une première estimation (220 000 km/s) ; par la suite cette valeur s’affinera pour converger dès le milieu du XIXe siècle vers environ 300 000 km/s.

Quelle est sa nature ? Dès la fin du XVIIe siècle, Huygens proposa une théorie ondulatoire tandis qu’Isaac Newton défendait une nature corpusculaire de la lumière. Malgré tout, Thomas Young réussit à mettre en évidence la nature ondulatoire de la lumière dès 1801, mais c’est surtout la théorie de Fresnel, et les expériences associées, qui, à partir de 1815-1818, convainquirent la communauté scientifique, au moins pour un temps.

Comment se propage-t-elle ? Les scientifiques envisagèrent dans un premier temps l’existence d’un milieu, l’éther, susceptible de servir de support à la propagation d’une onde lumineuse. Toutefois, après diverses tentatives infructueuses de mise en évidence de cet éther, son existence fut plus que jamais sujette à caution, jusqu’à ce qu’en 1905 Einstein, en expliquant l’effet photoélectrique 1, la remette en cause et propose que la lumière peut, dans certains cas, se comporter également comme un ensemble de particules.

Cette année 1905 fut d’ailleurs très fructueuse pour le physicien, puisque c’est l’année où il proposa également sa théorie de la relativité restreinte. Là où Newton parlait d’une force, la gravitation, pour expliquer le mouvement des objets les uns autour des autres, Einstein justifie ces mouvements par la déformation de l’espace-temps lui-même. « On peut résumer cela en une unique phrase : la matière dicte à l’espace comment il doit se déformer, et, en retour, l’espace déformé dicte à la matière comment elle doit s’y mouvoir. »

Mais une théorie nouvelle doit prédire des phénomènes non encore observés afin d’asseoir sa pertinence. Edmund Halley avait ainsi prédit le retour de la comète qui depuis porte son nom. Pour vérifier le phénomène de déviation de la lumière par des masses importantes, il suffisait de prendre un cliché d’une région du ciel riche en étoiles puis de prendre le même cliché au moment où le soleil arrive dans cette zone, ce qui devrait laisser apparaître une déformation. Étant donné l’extrême luminosité du soleil par rapport au fond diffus du ciel, il fallait faire cette expérience pendant une éclipse totale et, qui plus est, sans couverture nuageuse ; l’éclipse devait également durer un temps suffisamment long pour permettre une bonne exposition des plaques sensibles. Il fallut ainsi attendre 1919 et organiser deux expéditions, sur l’île de Principe et surtout à Sobral au Brésil, pour réunir toutes les conditions d’observation. L’effet, quoiqu’infime, était conforme à ce qu’avait prédit Einstein en 1915 quatre ans plus tôt.

Au fil des chapitres, l’auteur retrace ainsi nombre d’avancées scientifiques majeures dans le domaine de la cosmologie en les replaçant dans leur contexte historique, comme l’utilisation des céphéides à partir de 1916 pour mesurer les distances d’étoiles et de galaxies de plus en plus lointaines, l’explication des réactions nucléaires qui se produisent au sein des étoiles (la formule E = m c2 explique justement l’énorme libération d’énergie lors de ces réactions), la découverte de l’expansion de l’univers, la mise en évidence de l’existence des trous noirs jusqu’à la détection des ondes gravitationnelles en 2016, presque un siècle après leur prédiction par Einstein.

Alain Riazuelo sait utiliser un langage simple pour expliquer des notions physiques qui le sont moins. Il aime aussi, pour aider son lecteur, pratiquer un exercice qu’affectionnait particulièrement Einstein, à savoir les « expériences de pensée ». Le livre est jalonné de noms de scientifiques de diverses notoriétés, dont certains se sont perdus dans l’histoire des sciences, et qui sont tous répertoriés au sein d’un index.

Ce livre ravira les esprits les plus curieux qui pourront, grâce à une bibliographie substantielle, approfondir les sujets abordés.

1 Cette découverte vaudra au physicien le prix Nobel de physique de 1921.

Publié dans le n° 341 de la revue


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Auteur de la note

Thierry Charpentier

Ancien ingénieur système en informatique, spécialisé (…)

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