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Prescription hors autorisation de mise sur le marché en psychiatrie adulte

Publié en ligne le 16 février 2024 - Santé et médicament -

La prescription hors AMM est encadrée par l’article L.5121-12-1 du code de santé publique. Ce cadre s’applique donc évidemment à la psychiatrie adulte comme à toutes les autres spécialités. Nous considérerons ici l’usage des psychotropes et notamment des traitements « de fond » des troubles psychiatriques plutôt que les traitements symptomatiques comme les anxiolytiques, et notamment les benzodiazépines, pour lesquels la principale problématique est la durée de prescription, souvent bien trop longue par rapport aux recommandations de bonne pratique [1].

État des lieux

Il existe peu d’études évaluant le taux de prescription hors AMM en psychiatrie adulte. Une étude réalisée en 2013 au sein d’un centre hospitalier public [2] et reprenant l’ensemble des prescriptions durant 24 heures retrouvait un taux de prescription hors AMM de 43,5 % (22,3 % de prescriptions hors AMM pour l’indication, 13,1 % pour la posologie, 4,5 % pour la durée de traitement et 6,2 % pour le schéma thérapeutique – certaines prescriptions peuvent être hors AMM pour plusieurs critères). Une autre étude s’intéressant spécifiquement à une situation clinique particulière (l’état maniaque au sein d’un hôpital) retrouve une proportion similaire [3]. Mais évidemment, une journée de prescription dans un hôpital psychiatrique donné ne peut être considérée comme représentative de la diversité des situations cliniques (nature des troubles psychiatriques, niveau d’urgence, de gravité, ou de résistance aux traitements, comorbidités) ou des modalités de prises en charge (en ambulatoire ou en contexte hospitalier, en médecine générale ou par un psychiatre, de premier recours ou d’expertise face à une situation de grande résistance). Néanmoins, il est régulièrement suggéré que la psychiatrie serait l’une des spécialités – avec la pédiatrie et la pédopsychiatrie – où la prescription hors AMM serait la plus fréquente [4, 5]. Si, comme dans toutes les spécialités, une partie de ces pratiques peut sans doute s’expliquer par un manque de respect des recommandations, il existe de nombreuses situations où le recours à la prescription hors AMM est justifié par la littérature scientifique et médicale.

Absence d’AMM n’est pas absence de preuves d’efficacité

En effet, il est d’emblée nécessaire de rappeler que l’existence ou non d’une AMM pour un médicament n’est pas un strict reflet des connaissances médicales et scientifiques le concernant. La délivrance d’une AMM implique le dépôt d’un dossier aux autorités compétentes par le laboratoire pharmaceutique qui souhaite le commercialiser [6]. Si, pour une raison ou une autre, un laboratoire pharmaceutique ne souhaite pas déposer un tel dossier (typiquement s’il n’a pas d’intérêt économique à le faire), alors celle-ci ne sera pas délivrée et sa prescription sera – par définition – hors AMM.

Un exemple frappant d’une telle situation est celle du bupropion. En France, le bupropion a fait l’objet d’une AMM dans le cadre du sevrage tabagique et non dans celui de la dépression [7]. Pourtant, cette molécule a été développée comme antidépresseur et approuvée comme tel aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) depuis les années 1980. Elle a fait l’objet de nombreuses études dans la dépression et dans les méta-analyses de référence, elle se classe au même niveau que de très nombreuses molécules ayant l’AMM en France, tant en termes d’efficacité que de tolérance dans la dépression [8]. C’est le cas également dans le champ des troubles anxieux où l’existence ou non d’une AMM pour tel ou tel antidépresseur dans chaque type de trouble anxieux reflète probablement plus la stratégie commerciale des laboratoires pharmaceutiques concernant ces molécules que le degré de preuve scientifique (voir par exemple les recommandations canadiennes qui mentionnent le niveau de preuve de chaque molécule [9], et que l’on pourra comparer aux médicaments ayant ou non une AMM en France dans ces indications [10]). Dans un autre registre, on peut également citer l’exemple du méthylphénidate (plus connu sous ses noms commerciaux comme, par exemple, la Ritaline) dont l’usage n’est approuvé que depuis avril 2021 dans le trouble du déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez l’adulte, alors qu’il existe une large littérature sur son usage chez l’adulte dans cette indication depuis les années 2000 [11].

Un marqueur de ce décalage réside dans l’hétérogénéité des autorisations (AMM ou leur équivalent) dans les différents pays, que l’on compare l’Europe aux États-Unis ou au Canada, ou même les pays européens entre eux, et ce alors même que le consensus scientifique est large ment international. Il est cependant à noter que cette hétérogénéité pourrait se réduire avec la mise en place ou le renforcement de procédures d’AMM communes à l’échelle européenne et internationale.

Le Fumeur, Édouard Manet (1832-1883)

Le décalage entre données scientifiques et autorisation réglementaire est également palpable lorsqu’on compare les AMM des différents psychotropes et les recommandations formalisées d’experts, qu’il s’agisse des recommandations nationales (celle de la Haute Autorité de santé pour la France ou – par exemple – du National Institute for Health and Care Excellence au Royaume-Uni), des sociétés savantes (par exemple l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie, l’American Psychological Association ou le Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments) ou de publications faisant la synthèse de la littérature. De fait et comme nous allons le voir, ces recommandations mentionnent à plusieurs reprises des traitements ne disposant pas d’AMM. À l’inverse, certaines molécules disposant d’une AMM sont considérées par ces recommandations comme disposant d’un faible niveau de preuve. En effet, il est à noter que le plus souvent, les retraits d’AMM ont lieu en raison de la découverte d’un risque lié à sa qualité ou à sa sécurité (découverte d’un effet indésirable grave) et non en raison d’un niveau de preuve ou d’un service médical rendu jugés trop faible (ce qui conduit plus fréquemment à un déremboursement qu’à un retrait du marché).

Des prescriptions hors AMM en cas d’échec des premiers traitements

En première intention ou après échec d’un faible nombre d’options thérapeutiques, il est en général possible à la fois de suivre les recommandations et de prescrire des traitements psychotropes dans le cadre de leur AMM. En l’absence de stratégie validée permettant de prédire quel traitement va être le plus efficace, le psychiatre – en accord avec le patient – choisit une option parmi les stratégies validées de première intention (et de même niveau de preuve) en combinant son expérience personnelle et les préférences du patient concernant les possibles avantages, contraintes et effets indésirables des traitements.

Malheureusement, la résistance thérapeutique, c’est-à-dire l’échec d’au moins deux (voire quatre selon les pathologies) traitements successifs, est une situation banale dans un très grand nombre de pathologies psychiatriques. Pour donner l’exemple de la dépression, on estime généralement que seulement 67 % des patients obtiendront une réponse satisfaisante après quatre lignes (c’est-à-dire quatre molécules ou association de molécules) de traitement antidépresseur bien conduites [12]. De même, au moins 30 % des patients souffrant de schizophrénie seront résistants à au moins deux lignes de traitement antipsychotique (justifiant l’emploi de stratégies spécialisées [13]) et des ordres de grandeur similaires sont observés dans le trouble obsessionnel, le trouble bipolaire ou les troubles anxieux. À cet égard, il est important de souligner que la majorité des troubles psychiatriques sont des maladies chroniques : un traitement peut donc s’avérer efficace pour soulager un épisode mais ne pas permettre une stabilisation des troubles au long cours.

Dans ces situations d’échec, les recommandations nationales et internationales, en plus de souligner l’importance des stratégies non médicamenteuses (psychothérapie ou technique de neuromodulation) font fréquemment référence à des molécules ne disposant pas d’AMM dans l’indication retenue, ou à des stratégies thérapeutiques qui sortent du strict cadre de l’AMM en termes de posologie ou d’associations médicamenteuses (sur lesquelles nous reviendrons par la suite).

Symposium, Akseli Gallen-Kallela (1865-1931)
Le Finlandais Gallen-Kalela s’impose à la fin du XIXes. comme l’un des plus grands peintres de son pays, où il participe à un large mouvement de renouveau artistique et de défense d’une culture nationale menacée par la russification. Dans ce tableau halluciné, il se représente en autoportrait, accompagné de ses compatriotes les compositeurs Merikanto, Kajanus et Sibelius (assis de g. à d.).

Ainsi dans le champ de la dépression, on peut mentionner de façon non exhaustive l’usage hors AMM du lithium, de certains anticonvulsivants, de certains antipsychotiques atypiques, de certains agonistes dopaminergiques (c’est-à-dire des molécules qui « ressemblent » à la dopamine de sorte qu’ils activent directement les récepteurs dopaminergiques), de certains psychostimulants ou encore des hormones thyroïdiennes [14, 15, 16, 17] (pour un article listant et comparant plusieurs recommandations dans ce champ, voir [18]).

Toutes ces molécules sont relativement anciennes. Au cours des cinq dernières années, la principale innovation thérapeutique dans le champ de la dépression est sans nul doute la découverte des propriétés antidépressives de la kétamine (une molécule connue depuis longtemps mais utilisée initialement dans le champ de l’anesthésie) et la mise au point d’une forme intranasale de la kétamine (de son énantiomère S pour les spécialistes), l’eskétamine [19]. Actuellement, seule l’eskétamine (et pas la kétamine) dispose d’une AMM, et uniquement dans la dépression dite unipolaire (c’est-à-dire ne s’intégrant pas dans le cadre d’un trouble bipolaire) ayant résisté à au moins deux lignes de traitement [20]. Pourtant, la kétamine par voie intraveineuse comme l’eskétamine par voie intranasale sont bien mentionnées dans plusieurs recommandations concernant la dépression unipolaire comme la dépression bipolaire. Le même constat peut être fait dans la prise en charge des troubles anxieux et notamment du trouble anxieux généralisé, du trouble obsessionnel compulsif, du trouble bipolaire et (peut-être dans une moindre mesure) de la schizophrénie.

D’autres raisons de sortir du cadre de l’AMM

Lorsqu’un traitement psychotrope est nécessaire, il est en général souhaitable de privilégier une monothérapie et, bien sûr, de respecter les posologies indiquées. Cependant, deux situations cliniques conduisent souvent le psychiatre à prescrire des associations médicamenteuses ou à dépasser les posologies indiquées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Rappelons que la posologie (dose) et, dans une certaine mesure, la durée du traitement font partie de l’AMM, au même titre que l’indication thérapeutique (la maladie ciblée par le médicament) ou le profil des patients auxquels il est destiné.

La première situation est celle de l’épisode aigu (qu’il s’agisse d’un épisode inaugural ou d’une rechute d’un trouble chronique) avec une intensité importante des symptômes responsable d’une souffrance majeure ou de troubles du comportement qui mettent le patient ou l’équipe soignante en danger du fait du risque de passage à l’acte agressif (pour soi-même ou pour les autres). On peut penser par exemple à l’épisode maniaque qui survient dans un contexte de trouble bipolaire au cours duquel le patient peut présenter une agitation psychomotrice, une insomnie, une désinhibition et des troubles du comportement avec conduites à risque sur le plan sexuel ou autre. On peut également penser aux épisodes aigus qui émaillent le cours de la schizophrénie, avec par exemple des idées délirantes de persécution, des hallucinations qui intiment au patient l’ordre de se faire du mal ou une agitation psychomotrice voire une crise clastique (épisode où le sujet devient agité et peut devenir violent). Ces situations peuvent imposer d’avoir recours – transitoirement – à des posologies plus élevées que celles prévues par l’AMM ou à des associations de traitements pour apaiser le patient et lui éviter de se mettre en danger. De fait, lorsque la posologie classique s’avère inefficace, le psychiatre doit évaluer si le risque encouru par le patient du fait de ses symptômes est plus grand que celui lié à une posologie élevée.

L’autre situation est, à nouveau, celle de l’échec thérapeutique. Certains patients ne répondent pas au traitement parce que leur métabolisme est particulièrement rapide, c’est-à-dire qu’ils éliminent le médicament plus vite que la normale [21]. Mesurer la concentration du médicament dans le sang permet alors d’ajuster la posologie au métabolisme du patient – quitte à dépasser la dose recommandée par l’AMM. Même lorsque le métabolisme du patient est normal, il existe une grande variabilité selon les individus : sans qu’on sache toujours pourquoi, certains patients nécessitent ainsi des posologies bien plus faibles que celles usuellement requises, tandis que d’autres nécessitent des posologies particulièrement élevées pour être soulagés de leurs symptômes. Un trouble au cours duquel il est souvent nécessaire de dépasser les posologies de l’AMM est le trouble obsessionnel compulsif. Chez les patients présentant une forme résistante, les recommandations et la littérature suggèrent qu’il est possible d’augmenter la posologie des traitements antidépresseurs au-delà des doses maximales théoriquement autorisées par les AMM françaises [9, 22]. Par ailleurs, ces situations d’échec imposent parfois d’avoir recours à des associations de traitements médicamenteux inhabituelles par leur nombre, voire théoriquement déconseillées. Dans le trouble bipolaire, la majorité des patients nécessite deux à trois traitements visant à réguler les troubles de l’humeur et ces associations sont souvent prévues par l’AMM. Mais des travaux récents suggèrent que des associations de traitements antipsychotiques pourraient faire mieux que la monothérapie dans la schizophrénie [21] où celle-ci est supposée être la règle. De même, les formes résistantes de dépression ou de trouble obsessionnel compulsif nécessitent parfois des associations de trois ou quatre (et parfois plus !) traitements différents, à des doses parfois supérieures à celles indiquées dans le résumé des caractéristiques du produit [23]. À nouveau, ces usages hors AMM sont validés par la littérature médicale et scientifique et par des recommandations formalisées d’experts.

Pourquoi les recommandations internationales s’écartentelles autant des AMM ?

Pour comprendre pourquoi les recommandations internationales s’écartent autant de l’AMM, il est nécessaire de souligner que peu d’études de grande ampleur s’intéressent à la très grande résistance ou à ces stratégies de combinaisons de traitement. Il s’agit en général d’études académiques et non pas faites par des industriels (qui auraient peu à gagner à démontrer que plusieurs médicaments doivent être utilisés concomitamment, en particulier si ces autres médicaments sont produits par des concurrents). Par ailleurs, il s’agit d’études compliquées à réaliser du fait du risque d’échec (il est plus difficile de montrer l’efficacité d’un traitement chez des patients résistants), de leur coût, de la rareté ou de l’hétérogénéité des patients concernés (ce qui conduit à une faible puissance statistique avec à nouveau un risque d’échec) et de la sévérité des troubles qui rend les contraintes liées à la recherche clinique difficilement acceptables sur le plan éthique. À titre d’exemple, les patients à très haut risque suicidaire ou souffrant de nombreuses comorbidités sont le plus souvent exclus des essais thérapeutiques, par peur de voir l’essai interrompu en cas d’événements graves. Tous ces facteurs constituent une limite à la représentativité des essais cliniques et l’on considère qu’une minorité des patients pris en charge correspondent aux critères des essais cliniques [24]. Or les dossiers d’AMM sont construits avant tout sur la base de tels essais. À l’exception de médicaments récents comme l’eskétamine (pour le traitement des épisodes dépressifs caractérisés résistants) [20], peu d’AMM visent donc directement à résoudre les situations d’échec thérapeutique.

La Mélancolique, Jules Pascin (1885-1930)

Des pathologies psychiatriques sans traitements psychotropes validés

Il existe des troubles psychiatriques pour lesquels peu de traitements, voire aucun, ne disposent d’une AMM. C’est le cas par exemple de certains troubles de la personnalité, de la majorité des troubles du comportement alimentaire ou des troubles à symptomatologie somatique. Là aussi, certaines recommandations formalisées d’experts suggèrent parfois la possibilité d’utiliser, en plus des approches non médicamenteuses, des traitements psychotropes, soit pour traiter des comorbidités, très fréquentes en psychiatrie, soit pour agir directement sur un symptôme. Ainsi, certaines études soulignent la possibilité de lutter contre certains symptômes comme l’impulsivité, le risque suicidaire ou la douleur morale, indépendamment de leur cause [23]. Le niveau de preuve de ces traitements est en général assez faible mais comme toujours en médecine, il s’agit alors d’évaluer le rapport bénéfice/risque de chaque traitement pour un patient donné.

L’impossibilité de prescrire certains traitements ayant une AMM

Au-delà de la nécessité soulignée par les recommandations formalisées d’experts d’avoir recours à des traitements hors AMM, se pose paradoxalement la question de l’accès à des médicaments bénéficiant d’une AMM. De plus en plus, l’AMM est dispensée à l’échelle européenne et non nationale. Cependant, le remboursement et le prix du médicament sont décidés au niveau national. En France, ils le sont à la suite d’un avis de la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé [25] qui se prononce sur le service médical rendu (SMR) – qui détermine le remboursement – et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) – qui contribue à fixer son prix. L’ASMR porte donc sur le progrès apporté par un médicament par rapport aux thérapies existantes.

La Folie (détail), Władysław Podkowinski (1866-1895)

Ces dernières années, de nombreux psychotropes et notamment plusieurs traitements antipsychotiques ayant obtenu une AMM européenne ont été jugés comme ayant une amélioration du service médical rendu inexistante (niveau V). Cet article n’a pas vocation à juger la pertinence de ces décisions. Mais soulignons qu’elles ont conduit les laboratoires pharmaceutiques développant ces molécules à ne pas les commercialiser en France par manque anticipé de rentabilité. Ainsi, sur les cinq dernières molécules ayant obtenu une AMM européenne dans la prise en charge de la schizophrénie, aucune n’est commercialisée en France alors qu’elles sont disponibles chez plusieurs de nos voisins européens. Pour beaucoup de psychiatres français et d’associations de patients, il s’agit là d’une perte de chance. En effet, pour des raisons complexes et encore mal comprises, on observe que certains patients répondent à un médicament A mais pas à un médicament B (et vice versa) au sein d’une même famille de molécules, ces deux médicaments ayant pourtant une efficacité comparable au niveau de la population (donc le second arrivé sera jugé comme n’apportant aucune amélioration du service médical rendu, alors même qu’il est très utile à certains patients). La même logique s’applique aux effets indésirables. Cette hétérogénéité souligne l’importance de bénéficier d’une vaste gamme de molécules au sein d’une même indication et le risque à se priver de molécules qui n’ont pourtant pas montré leur supériorité à l’échelle de la population par rapport aux alternatives existantes.

Conclusion

En conclusion, le recours aux traitements hors AMM est fréquent en psychiatrie. D’un point de vue purement médical et scientifique, il semble légitime pour le psychiatre de s’appuyer sur l’ensemble des données de la littérature scientifique pour évaluer le rapport bénéfice/risque et guider ses choix. Or la correspondance entre les preuves scientifiques (publications scientifiques ou recommandations de bonnes pratiques) et les autorisations réglementaires est loin d’être parfaite.

Il semble donc nécessaire de distinguer les prescriptions hors AMM s’appuyant sur un consensus médical national ou international de celles qui relèvent de pratiques personnelles non évaluées. Enfin, il est crucial que les aspects réglementaires ne constituent pas un frein à la bonne prise en charge des patients, qu’il s’agisse de l’accès à des médicaments ne disposant pas de l’AMM mais disposant d’un bon niveau de preuve ou à des médicaments disposant d’une AMM européenne mais non disponibles en France pour des raisons économiques.

Références


1 | Benard A et al., « État des lieux de la consommation des benzodiazépines en France », Rapport, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, avril 2017. Sur uspo.fr
2 | Andréoli L et al., « Prescriptions hors autorisation de mise sur le marché en psychiatrie publique hospitalière », Thérapie, 2013, 68 :347-59.<br/
3 | Laforgue EJ et al., « Concordance entre prescriptions hospitalières et recommandations dans le traitement de la manie », Thérapie, 2017, 72 :327-37.
4 | Gault N et al., « Analyse des prescriptions hospitalières hors AMM des médicaments chez l’adulte et étude de la faisabilité de leur détection par le codage CIM-10 du PMSI », Therapies, 2022, 77 :329-38.
5 | Rousseaux G et al., « Point sur les médicaments utilisés hors autorisation de mise sur le marché (AMM) en psychiatrie et addictologie », Journal de Pharmacie Clinique, 2016, 35 :177-87.
6 | Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « Autorisation de mise sur le marché pour les médicaments », 2020. Sur ansm.sante.fr
7 | Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « Zyban : résumé des caractéristiques du produit », 23 février 2023. Sur agence-prd.ansm.sante.fr
8 | Cipriani A et al., “Comparative efficacy and acceptability of 21 antidepressant drugs for the acute treatment of adults with major depressive disorder : a systematic review and network meta-analysis”, The Lancet, 2018, 391 :1357-66.
9 | Katzman MA et al., “Canadian clinical practice guidelines for the management of anxiety, posttraumatic stress and obsessive compulsive disorders”, BMC Psychiatry, 2014, 14 :1-83.
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20 | Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « Répertoire des médicaments », 25 mai 2021. Sur ansm.sante.fr
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24 | Kennedy-Martin T et al., “A literature review on the representativeness of randomized controlled trial samples and implications for the external validity of trial results”, Trials, 2015, 16 :1-14.
25 | Haute Autorité de santé, « Commission de la transparence », 17 février 2023.


Publié dans le n° 346 de la revue


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L' auteur

Fabien Vinckier

Professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH) à l’université Paris Cité / GHU Paris Psychiatrie et (…)

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